UNE PISTE SANS NOM…

♦ 28 juin 2014

 

Le ciel est dégagé et la température est agréable. Une belle journée semble s’annoncer pour notre aventure du jour. Nous atteindrons Kerlingarfjöll non pas par la route la plus directe, mais en allant chercher une piste sans no qui quitte la F578 par l’est, en direction de la F35.

Vaste programme. Commençons par  remplir nos jerricanes. Il vaut mieux être prudents : un obstacle pourrait nous obliger à rebrousser chemin.

 

 

Pâturage après pâturage, portail à moutons après portail à moutons, nous avançons sur la 704 qui longe paisiblement la rivière Midfjardara. Puis, sur la F 578, le paysage change radicalement : vastes plaines désertes, parsemées de lacs plus ou moins importants. Notre vitesse aussi a changé. La piste, caillouteuse à souhait, ne permet  qu’une moyenne de 30 km/h, sauf à mettre en danger les vertèbres de nos passagers.

L’eau est toujours plus présente. Non seulement les lacs, mais des prairies inondées et des rigoles en bord de route. Sur le fond, l’énorme Langjoküll et ses langues glacières. Le lac Aravatn, où nous quitterons la F578, s’approche. Un panneau nous indique que nous allons prendre une piste difficile. Youpi!

Un groupe de pêcheurs, les premiers êtres humains que nous rencontrons depuis la 704, nous observe franchir un premier gué qui ne présente aucune difficulté. Voilà les rochers. Nous zigzaguons entre eux, à une vitesse d’escargot. Le gabarit d’Otto m’empêche de voir où je pose la roue avant droite. Mince, je suis coincé. Marche arrière et nouvel essai. Ça passe, mais ce n’est que partie remise. Dominique descend de voiture et m’indique la direction à prendre, en moulinant les bras.

Nous profitons de chaque amélioration de la piste pour accélérer. Vingt, vingt-cinq, trente à l’heure. Cela ne dure guère. Nous traversons notre premier désert islandais, un désert de pierres certes, mais un désert fascinant et un peu inquiétant.

Puis, c’est le premier névé qui nous barre la route. Un coup de gaz et nous sommes de l’autre côté. Ce n’est pas le cas pour le deuxième. Georgette franchit le mur blanc, mais elle se plante dans la boue, enfoncée jusqu’au châssis. L’adrénaline monte. Nous sommes seuls, à des dizaines de kilomètres de la civilisation. Si Otto ne passe pas, il ne nous restera qu’à sortir pelles et plaques à sable.

Sans hésitation, je cède le volant à Dominique, beaucoup plus habile que moi dans ces circonstances. Première courte, les tours moteur grimpent à toute allure. Il passe comme un bolide à côté de Georgette. L’obstacle ne gagnera pas !

Mais nos épreuves ne sont pas terminées. Nous avons beau fouiller les entrailles de nos véhicules : nous avons une seule corde de remorquage. Je n’ai pas pris la mienne car Georges en avait deux. Georges n’a pas pris la deuxième car il a pensé que j’en avais une… Cinq petits mètres nous séparent du paradis. Il n’y a pas d’autre solution que de reculer Otto, à l’extrême limite de la boue. Ouf, il ne se plante pas. Georgette bondit, délivrée de ses carcans.

Désormais, nous regardons d’un œil différent les autres névés qui s’approchent. Nous avons appris la leçon et nous tâtons le terrain avant de nous engager. Parfois, il faut quitter la piste et trouver un meilleur angle de franchissement. Ça devient un jeu…

Ouf, plus de neige à la ronde. A sa place, un champ de lave pétrifiée. Je vois les suspensions de Georgette souffrir. Bientôt, ça sera mon tour. A 3 km/heure, nous passons ce dernier obstacle. Nous aurons mis sept heures pour parcourir 100 kilomètres et les premiers 30 étaient roulants, mais nous sommes passés. Il est temps de fêter notre exploit avec une bonne bouteille.

 

 

La F35 n’est qu’une autoroute. Nous avalons dans des nuages de poussières le peu de kilomètres qui nous séparent de la F347 et de Kerlingarfjöll. Tiens, il pleut. J’étais tellement pris dans nos aventures que je n’avais même pas remarqué que la météo se gâtait.

Juste le temps de constater que tous les gués de cette dernière piste ont été éliminés par un savant travail d’endiguement (on n’arrête pas le progrès…) et nous sommes arrivés. Nous avons loué une hutte pour la nuit. Véritable taudis de luxe, celle-ci s’avère minuscule, mal entretenue et dépourvue d’un quelconque confort. Nous renonçons à cuisiner et nous sortons la nourriture lyophilisée. Un véritable choc pour le palais raffiné de Georges…