Je me précipite hors de l’appartement. Pour fumer une cigarette, il est vrai, mais surtout pour constater qu’il a neigé cette nuit, mais pas assez pour rendre problématique notre retour sur Calgary. Ouf, notre voiture n’est vraiment pas équipée pour franchir des cols enneigés…
Jasper nous offre un dernier cadeau, peut-être pour nous inciter à revenir. Un superbe quatorze cors. Il est tout près de la route et donne des signes d’énervement, plusieurs voitures le serrant de près.
De trop près. Le voilà qu’il charge. Un, deux coups de cornes dans la porte de la voiture la plus proche. Nous ne saurons jamais quels dégâts il a pu provoquer, le véhicule en question ayant déguerpi à toute vitesse…
Il est temps de se mettre en route pour notre long voyage de retour sur Calgary. L’occasion idéale pour moi de céder le volant à Louis et de m’échapper dans mes souvenirs. Les parcs des Rocheuses m’avaient profondément ému lors de mes précédents passages. Mais c’était il y a plus de trente ans. J’étais un jeune voyageur qui découvrait un monde inconnu et fascinant. Autres temps, autres mœurs. D’autres voyages ont suivi, d’autres aventures m’ont amené dans des lieux extraordinaires.
Certes, dans ces quelques jours passés entre Banff et Jasper, nous avons plongé dans des paysages magnifiques et vécu des moments d’intense émotion avec les wapitis et les autres animaux que nous avons rencontrés. Mais les parcs des Rocheuses attirent désormais trop de monde. Tout est mis en place pour capturer le touriste pressé qui se déplace le long d’itinéraires prévus à l’avance, attiré par les joyaux naturels des Rocheuses, où tout a été organisé pour qu’il puisse être heureux de ses vacances. Je crois qu’aujourd’hui le seul moyen de vraiment apprécier ce coin du monde est celui de marcher dans la nature vierge, à l’écart de la foule. Mais c’est alors un autre voyage.
Suis-je blasé ? Je ne crois pas. Simplement un voyageur différent.
Sommes toutes, ces profondes réflexions et surtout les paysages rendus différents par la neige qui est parfois tombée en abondance ont fait vite passer les 450 kilomètres parcourus aujourd’hui.
Un verre d’un très bon Focaia, un vin toscan dont j’ignorais l’existence, à la table du restaurant de notre hôtel, est le meilleur moyen de dire adieu aux Rocheuses.
Finis les hors-d’œuvre, dès demain nous entamons le plat de résistance !