RENNES À GOGO

Samedi 11 juin. Nous venons d’atterrir à Ivalo, village de 3000 habitants, au nord de la Laponie. Récupération des bagages, attente au banc de la compagnie de location de voitures… J’aborde ma première ligne droite finlandaise.

Tout au fond, une tâche noire au milieu de la route, qui vient vers nous. Je ralentis, prudemment. Je n’ai nullement envie de me payer mon premier Finlandais ayant abusé de la bouteille.

Mais ce n’est pas un humain, c’est un renne. Il avance au centre de la chaussée, indifférent à notre présence. Il va bientôt nous croiser. Zut, les caméras sont encore dans leur sac. Nous ne pouvons que le regarder.

Christine et moi pensons la même chose. Premier jour, premier et peut-être dernier renne de notre séjour. Nous ne le savons pas encore, mais nous nous trompons. Nous en verrons des rennes, tous les jours, jusqu’au 21 juin, et même plusieurs fois par jour.

         

           

Ici, l’hiver vient de se terminer. La mue est encore en cours. Nuances de brun et de gris. La mise bas est récente. Il y a beaucoup de jeunes comme toujours empruntés, drôles et curieux. Souvent leur pelage est encore blanc. Ils ne sont que flocons d’ouate dans la forêt.

Il est loin le temps romantique où les Samis parcouraient à pied vallées et collines pour rassembler, le moment venu, les troupeaux dispersés. Quelques femelles portent, colliers colorés et anti-esthétiques mis à part, un Gps.

Les mâles, eux, sont mieux traités. Seul un bouton discret, niché au creux de l’oreille, nuit à leur beauté. Va savoir pourquoi…

                                 

Drôles d’animaux, ces rennes. Ils peuvent être moutons lorsqu’ils broutent tout ce qui sort de la lande ou quand ils s’enfuient face à un danger qu’eux seuls ressentent. Ils peuvent être danseurs débutants et maladroits lorsqu’ils se hâtent sur le bitume avec leurs larges sabots presque palmés. Ils peuvent être insignifiants lorsqu’ils s’amassent au bord d’une route, indifférents.

 

Mais, lorsqu’ils se rappellent d’être rennes, se déplacent avec aisance dans la forêt et la toundra finlandaise, leur port altier, leur élégance et leur vitesse en font des animaux superbes qui rappellent, dans leur totale liberté, leurs cousins nord-américains.