Il est 0900 et quelques. Depuis le pont du Norröna, nous apercevons enfin les côtes islandaises, à travers les déchirures que le vent provoque dans un ciel gris. Après la longue traversée de l’Allemagne et du Danemark, l’embarquement de nos véhicules à Hirtshals et 48 heures de « croisière », nous allons arriver dans le port de Seydisfjordur.
Sur le bateau règne une joyeuse excitation. Les conducteurs sont déjà au volant de leur voiture dans les cales du bateau et bientôt les autres passagers s’agglutineront autour des bâtiments de la douane islandaise, en attendant le débarquement.
C’est parti. Les portes du Norröna s’ouvrent. Huit-cents véhicules, allant de l’improbable Harley Davidson au monstrueux camion suréquipé, en passant par toute sorte de 4×4 et de berlines, défilent devant nous, s’arrêtent pour charger leurs passagers et repartent en quête d’aventure, dans une ambiance bon enfant.
Georgette précède de quelques voitures Otto. Il n’y a pas de doute. Ils sont les plus beaux.
Nous voilà en Islande.
Dès les premiers lacets de la route qui quitte Seydisfjördur, il est évident qu’il a beaucoup neigé cette année. Le plateau qui domine Egilsstadir, où tout le monde s’arrêtera pour dévaliser stations d’essence et supermarchés, est caché sous un manteau blanc. Les lacs sont encore gelés. Nous nous arrêterions bien volontiers pour admirer le paysage, mais nous nous heurtons à la difficulté toute islandaise de trouver une place au bord de la route, d’autant plus que la circulation est intense.
Mais tout cela n’est question de quelques instants. Contrairement à la grande majorité des touristes, nous allons nous diriger vers le nord pour atteindre Raufarhöfn, notre destination du jour. Rapidement, nous sommes seuls ou presque sur la route.
L’imprévisibilité de l’Islande nous contraint déjà à un premier changement de programme : la route 917 étant encore fermée, bien qu’il ne s’agisse nullement d’une piste, mais d’une route secondaire, nous ne verrons pas les paysages splendides de la Jokulsa et de la baie d’Heradsfloi, mais nous empruntons la route 85 qui coupe à l’intérieur. Qu’importe. La nature islandaise est belle partout. Les chutes remplacent les vagues.
Les éclaircies de Seydisfjördur ont déjà disparu. Le ciel se fait de plus en plus menaçant. Le temps d’un arrêt pique-nique et il nous tombe sur la tête. Mais nous ne sommes pas venus en Islande pour bronzer et nous faisons avec. La route grimpe et nous atteignons des plateaux enneigés absolument déserts. La pluie et le brouillard leur confèrent aujourd’hui un aspect encore plus lunaire que d’habitude. Fascinant.
Pas de bruit de civilisation moderne, mais un cri que nous avons appris à reconnaître lors de nos précédents voyages : un chevalier gambette nous souhaite la bienvenue.
Bonjour l’ami et au revoir.
-Veux-tu emprunter une piste ?- me demande Christine, le nez plongé dans la carte. Quelle question ! Otto et Georgette ne demandent que ça. Nous enclenchons les quatre roues motrices et nous y allons. Rien de bien méchant, une Ferrari passerait probablement aussi. Mais il n’est pas question de lâcher les deux tonnes et quelques de nos fidèles compagnons. Le sol est détrempé et glissant et les descentes sont parfois abruptes. N’empêche que je me fais plaisir , en contrôlant quelques petits dérapages. Il faudrait peut-être demander à nos passagers s’ils apprécient autant que Georges et moi-même.
Au bout d’une trentaine de kilomètres, voilà les premières maisons de Raufarhöfn, petit port de pêche perdu au milieu de nulle part. Nous avons réservé nos chambres à l’hôtel Njödurlos, mais l’établissement, vu de l’extérieur, ne paye de mine et nous passons devant à trois reprises, avant de nous convaincre qu’il s’agit de notre logis du jour.
Nous devrions pourtant avoir déjà appris à ne pas nous fier à la première impression. L’accueil est très sympa et l’intérieur de l’établissement, ainsi que les chambres, sont très confortables.
Nous avions lu quelque part que le restaurant est l’un des meilleurs d’Islande. C’est effectivement bon, à condition d’aimer le mouton et le poisson… De toute façon, nous n’avions guère le choix, le Njödurlos étant le seul endroit où manger et dormir dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, si, comme moi, vous n’appréciez pas le séjour chez l’habitant.