Nous voilà de retour à Seal River. Nous avons à peine terminé notre petit-déjeuner, lorsque deux ours mâles viennent se chamailler dans les buissons près du lodge. Branle-bas de combat. Tout le monde se précipite sur les plateformes d’observation.
Vision un peu lointaine, mais, oh combien magnifique, de quelques centaines de kilos, de poils et de griffes qui se dressent sur leurs pattes et s’embrassent. Amicalement, cette fois-ci, mais ça reste un simulacre de combat, un entrainement pour des jours moins paisibles.
Le spectacle ne dure que quelques minutes. Pour moi, le temps s’arrête. Je suis fasciné et profondément ému. C’est pour vivre ces moments que Christine et moi parcourons depuis plusieurs années lacs et montagnes, savanes et steppes. Aujourd’hui, nous sommes comblés.
Ce matin, le ciel est toujours gris, mais beaucoup moins menaçant qu’hier et avant-hier. Le soleil n’est pas loin. Pas pour longtemps, paraît-il. Demain, la neige est annoncée.
Nous embarquons sur deux charrettes tirées par des drôles d’engins, des « quads » à six roues motrices. La côte et ses paysages différents, faits de rochers éparpillés et de marées montantes et descendantes nous accueillent. Je dois avouer avoir un peu de peine à m’intéresser à cette balade. Dans mes yeux, il y a toujours deux ours polaires.
Le terrain est assez accidenté, mais les quads passent partout : ornières, gués, boue et rochers. Il faut juste faire attention à ne pas renverser la charrette et nous avec…D’ailleurs, nous ne tardons pas à descendre et à continuer à pieds.
Une agréable promenade, sans plus. Où sont les ours ?
Ils nous attendent, évidemment, lors de notre retour au lodge, en milieu d’après-midi. Ils sont trois, cette fois-ci. Des mâles. Nous partons à leur rencontre. Le soleil est là et, pour une fois, la lumière est excellente.
Pour la première fois, j’observe une certaine tension chez nos guides. Les ours apparaissent et disparaissent. Nous ne parvenons jamais à les voir tous les trois ensemble. C’est incroyable comme une bestiole de cette taille peut se cacher dans des buissons tellement minuscules. Jeff se tient toujours entre nous et la végétation, son fusil en position de tir. Il a raison. Soudainement, un éclair blanc jailli d’un buisson, traverse notre chemin une quinzaine de mètres devant nous et s’enfuit au galop. Et s’il s’était jeté sur nous ? Mieux vaut ne pas trop s’attarder sur cette pensée.
D’ailleurs, pendant le dîner, Jeff, en souriant, nous avouera que ses instructions sont de ne jamais tuer un ours. Trop de formulaires à remplir. Mieux vaut sacrifier un touriste…