À LA DÉCOUVERTE DE LA RÉSERVE

♦ 5 juin 2015

   

Il est 0600 heures. Le réveil a sonné. Christine se hâte lentement. Dans une demi-heure, nous partons pour notre premier safari matinal..Un café et quelques biscuits vite avalés et la voiture s’ébranle. Le vent s’est levé. Il fait plus frais qu’hier, ce qui n’est pas pour me déplaire.

Dans la forêt qui entoure le lodge, les nyalas sont partout. Ici, ils dépassent très nettement en nombre les traditionnelles impalas que vous croisez sans cesse dans d’autres endroits d’Afrique. Comme il s’agit d’un animal moins grégaire, ils sortent de tous les coins, en nous faisant parfois sursauter, concentrés comme nous sommes à la recherche du mythique léopard…

Ils sont tellement nombreux que Christine  a oublié d’en photographier au moins un. Je n’ai fait guère mieux, donc vous n’en verrez pas, tout au moins pour l’instant.

Enfin, assez de regrets. Nous sommes sortis de la forêt. Une immense plaine s’étend devant nous. Les jumelles sortent de leur étui. Musy, lui, il n’en a pas besoin pour dénicher des guépards. Ils ne sont pourtant qu’un minuscule grain de poussière perdu dans les herbes.

Eux, évidemment, nous ont déjà vus. Toutefois, les trois mâles, occupés à dévorer un jeune gnou, nous regardent à peine. Ils sont bien plus attentifs à un éventuel prédateur qui viendrait leur piquer le butin. Systématiquement, pendant que deux d’entre eux mangent, le troisième jette un coup d’œil sur la savane.

Le repas est déjà largement entamé. Leur ventre rebondi en est l’évident témoignage et leur enlève un brin de grâce féline. Les gros plans s’imposent.

                   

Le temps passe. Le soleil s’élève dans le ciel. Il commence à faire chaud. C’est aussi l’avis de l’un de nos guépards. Il quitte son festin et vient s’abriter à l’ombre de notre voiture. Il est tellement prêt qu’en tendant la main nous pourrions le toucher.

         

           

Nous quittons les lieux à regret, mais le lunch nous attend. Et bien, il attendra encore un petit moment, le temps d’immortaliser le roi de la savane qui avait tenté de nous échapper en se dissimulant dans un bosquet.  A-t-il mangé son coiffeur ?

     

       

 

Nous sommes en vacances. Pas question de se dorer au soleil. Suivons le rythme. Il est 1530 heures et il est temps de repartir. Très vite, Matthew et Musy repèrent des traces d’éléphants.

-Les voilà, sur notre gauche- murmure quelqu’un. Ils sont une quinzaine, femelles et petits. Tantôt en lisière de forêt, tantôt sur la piste, ils jouent à cache-cache avec nous. Bien qu’ils soient à quelques dizaines de mètres, ils disparaissent parfois dans la végétation. Il est difficile de croire que d’énormes animaux comme eux puissent jouer aux fantômes. Et pourtant…

Conciliabule entre nos deux guides. Nous repartons sur les pistes de la réserve. Pas pour longtemps. Matthew arrête le véhicule. Nous attendons. Les éléphants sortent des broussailles, l’un après l’autre, juste devant nous.

                       

C’est magique. Certains pressent le pas, d’autres, les jeunes, miment des charges pour enfin s’enfuir, surpris par leur audace. Une vieille femelle s’arrête au milieu de la route. Elle se tourne lentement vers nous. C’est un avertissement : n’avancez-pas ! Nous la rassurons : personne n’en a pas la moindre intention.

Visiblement, ils se dirigent vers le point d’eau. Nous allons les devancer. Matthew roule à toute allure. Tout en plaçant son véhicule sur le rivage opposé de la mare, il nous fait partager son excitation et son plaisir. Rassures-toi, l’ami, nous sommes ébahis.

Bientôt la première mère sort de la forêt, suivie par son petit. L’eau les attire irrésistiblement. Rapidement, les autres arrivent. La lumière est divine. Nous nous régalons.

Mais voilà, de notre côté du point d’eau cette fois-ci, qu’un magnifique mâle un peu nerveux apparaît. Il passe à quelques mètres de nous. Un autre véhicule du lodge qui nous a rejoints doit s’écarter pour lui laisser l’accès à l’eau. Ce n’est pas fini. Maintenant, les abords du petit lac grouillent d’éléphants. Ils sortent de partout. Tous les pachydermes de la réserve, une soixantaine, selon Matthew, sont là.

Notre présence n’est nullement souhaitée. Gentiment, mais fermement, ils nous le font comprendre. C’est impressionnant : une muraille grise s’avance sur nous. Nous nous déplaçons de quelques mètres, nous nous arrêtons à nouveau. Cela ne suffit pas. La muraille quitte la berge et vient sur nous. Il faut partir, l’eau leur appartient.

De l’autre côté de la mare les autres éléphants, conduits par la matriarche, remontent le rivage. Une parfaite manœuvre militaire : nous sommes pris en tenaille.

 

Vite, décampons avant que les mâchoires ne se referment.

                         

Nous venons de vivre un moment fabuleux, l’un des plus beaux spectacles qu’il m’ait été donné de voir dans mes voyages en Afrique. A distance de sécurité, dans un fond de barrissements, je savoure ces instants passés, en laissant défiler les images en boucle dans ma tête. Encore et encore, sans jamais m’en lasser.

Depuis un certain jour au Botswana, lorsque Christine et moi-même avons été chargés par une matriarche qui nous a ratés d’un poil, j’éprouve un respect total pour ces mastodontes que je n’approche jamais sans une crainte certaine. Je réalise seulement maintenant que cela n’a pas été le cas aujourd’hui. Va savoir pourquoi…

Il faut repartir. Et nous repartons. Et ce n’est pas notre jour… Voilà que deux rhinos blancs remontent la piste, en nous barrant le chemin. Heureusement, ils sont moins têtus que les éléphants : ils finissent par disparaître dans les broussailles.

                       

Splendide journée. Allons fêter cela au bar de la savane…

Le personnel du lodge l’a ouvert spécialement pour nous. Le meuble-bar n’est autre qu’un grand arbre où sont suspendus verres, bouteilles et amuse-bouches. Nous en profitons largement. Les conséquences : certains ne sont pas beaux à voir.

                           

Pourtant les plus fatigués parviendront à observer fugitivement un aardwark (oryctérope en français, c’est tellement plus simple). Musy l’a répéré dans la brousse : coup de frein brutal, marche arrière, fouille dans la brousse. Je n’ai rien vu. Matthew oui et c’est son premier.

       

             

Ce soir, nous dînons au champagne ! Reste à savoir pourquoi toutes les guides du lodgCee viennent à notre table, l’une après l’autre, demander à Matthew s’il a enfin vu un oryctérope.