Depuis la terrasse de notre chambre, je filme la lagune de Knysna, dans une lumière grisâtre rehaussée par quelques timides rayons de soleil. Au lointain, j’aperçois la vague qui tente de forcer les deux pitons rocheux qui s’érigent en sentinelles de la baie : les Heads.
Malgré une longue étape en perspective, pas question de quitter Knysna sans leur rendre visite. Nous nous faufilons dans des ruelles tortueuses et escarpées, flanquées par des luxueuses propriétés résidentielles. Certaines sont à vendre. Ça intéresse quelqu’un ?
Nous aboutissons à l’un des promontoires. Une petite marche et nous parvenons aux points d’observation. Cela en valait la peine.
A nos pieds, quelques dizaines de mètres plus bas, les vagues de l’océan indien viennent mourir sur les avant-postes rocheux du goulet. Les Heads empêchent la colère de la mer d’atteindre Knysna. Mais comment vaincre cette colère lorsque l’on veut en sortir ? Mystère. Aucun bateau ne s’y aventure lors de notre passage…
Il est déjà temps de repartir. Nous avançons désormais le long des routes rectilignes d’Afrique du Sud. Un café par ici, un Coca par là, nous atteignons la banlieue de Port-Elizabeth. La ville a beaucoup changé par rapport à 2005. Une énorme autoroute aux ramifications nombreuses s’engouffre dans un paysage industriel qui n’existait pas il y a dix ans. Un coup d’oeil sur le nouveau port et nous sommes déjà sur les pistes qui nous conduisent à Shamwari Game Reserve. Nos voitures ne sont pas faites pour cela, mais elles avancent bravement entre trous et tôle ondulée.
J’ai beaucoup aimé Cape Town et ses environs. J’ai un peu moins aimé la balade le long des routes des baleines et des jardins qui auraient mérité un séjour plus prolongé, au point que Christine et moi-même envisageons d’y revenir dans une vie future. Je ressens néanmoins, très vivement, l’approche de mon Afrique : celle des prédateurs et des proies, celle des étendues sauvages et solitaires.
Contre toute attente, l’accueil à Bayethe Lodge est un tantinet froid. Surprenant, car peu habituel. Heureusement le lodge est joliment placé au bord de l’eau et les tentes sont confortables. Il ne nous reste qu’attendre notre premier safari pour dissiper cette désagréable impression.
Nous voilà partis, après avoir avalé quelques minuscules sandwiches (le lunch était déjà fermé à notre arrivée…) sous un ciel qui lâche une pluie fine et fastidieuse. Wuyo, notre guide, un Noir rondouillard et costaud, n’est pas très bavard. Il ne semble pas très intéressé par les antilopes que nous croisons : impalas, springboks et bushbucks. Parfois, nous devons lui demander de s’arrêter. Qu’importe. Il nous conduit tout droit sur un groupe de lions qui viennent de tuer un jeune kudu et qui font bombance. Il y a un magnifique mâle, quatre lionnes et cinq jeunes. C’est tellement beau que même la pluie cesse de tomber.
*cliquez sur le lion
Le mâle est couché sur le corps de sa proie, déjà largement entamée. Seuls les jeunes ont le droit de partager son repas. Les lionnes s’approchent avec mille précautions. Elles demandent timidement l’accès au festin. Peine perdue… Toutes sont repoussées d’un grogement plus ou moins vif selon leur audace. L’une ou l’autre parvient parfois à chiper une bribe de viande, avant d’être remise à sa place.
Mon oeil quitte un bref instant le viseur de la caméra. Je regarde mes compagnes d’aventure. Claude, Christine, Françoise et Delphine sont tellement absorbées par le spectacle qu’elles ne semblent aucunement vouloir tirer profit de la leçon. Il nous reste beaucoup de travail à faire, les garçons…
Vuyo nous apprend qu’il y a deux « prides » dans la réserve. Le magnifique mâle que nous observons depuis au mons une demi-heure en est le roi solitaire. Selon son humeur, il honore de sa présence l’un ou l’autre groupe. Encore une leçon de la nature, mesdames ?
Nous ne verrons rien d’autre de particulièrement intéressant aujourd’hui. Toutefois, c’est une excellente entrée en matière. D’autant plus que le sourire et la gentillesse du personnel desservant la salle à manger nous font oublier l’accueil reçu à notre arrivée et l’attitude un peu rustre de notre chauffeur.