Monument Valley, Bryce Canyon, Grand Canyon… Des endroits célèbres, parfois surprenants, toujours magnifiques. Nous les avons visités, dégustés, appréciés…
Mais pour y arriver, nous avons parcourus des centaines de kilomètres à travers l’Ouest américain que nous avons appris à aimer. Nous avons côtoyé des endroits moins connus. En voici quelques-uns pour vous.
♠ Les routes 95 et 24 vers Capitol Reef National Park
Un peu plus de trois cents kilomètres jamais monotones. Une petite journée de voyage, seuls avec la route et la nature. Des images plein les yeux, des endroits souvent splendides, un étonnement constant.
Très souvent sentinelles se découpant à l’horizon, parfois soldats de l’avant-garde en reconnaissance, les mesas accompagnent nos premiers pas dans un pur décor de film western… Nous nous en sommes gavés lors de notre passage à Monument Valley, mais nous ne nous en lassons jamais.
Toujours fascinantes, toujours différentes. Elles captent la lumière, elle s’en nourrissent et se parent de mille nuances. Elles disparaissent, pour laisser leur place aux roches sculptées par l’eau et le vent.
Puis nous parcourons un vaste plateau très torturé. Les jaunes remplacent parfois les rouges, une maigre végétation se dévoile. Mais les couleurs et le relief changent sans cesse, caprices de la géologie.
Ici une gorge attire le regard. Les yeux voudraient bien en capter les secrets, découvrir l’eau qui l’a façonnée. Peine perdue, un virage s’annonce. Là-bas, les parois d’un canyon se profilent. Un court instant, le plateau devient montagne, les silhouettes des roches se découpent dans le ciel.
Souvent, des pistes s’égarent dans le décor. Nous en empruntons une, au hasard, à la recherche de la rivière, de cette eau qui se dérobe. En vain. Elle était là, mais elle a disparu seul Dieu sait où.
Toujours, depuis des kilomètres, cette tache blanche qui déchire le ciel, à l’horizon. Les contreforts enneigés d’une montagne lointaine, qui nous guide vers notre destination finale, Capitol Reef National Park, sis à plus de 2000 mètres d’altitude.
Mais nous n’y sommes pas encore. D’autres mesas apparaissent, ciselées par un orfèvre de génie. Leurs plateaux rosâtres se déclinent en couloirs, aboutissant presque à nos pieds dans des vagues de roches dont le gris fait contraste. C’est magnifique.
Ce n’est que le prélude à notre arrivée dans un parc majestueux. La route se fait sinueuse. Les montagnes, aux formes originales et étonnantes, nous serrent au plus près. Les falaises multicolores se prennent pour l’arc-en-ciel…
A cette époque de l’année, Capitol Reef est pratiquement désert et nous pouvons déguster le spectacle dans une solitude bienvenue. Nous n’avons guère le temps que de parcourir quelques kilomètres de la « scenic drive », dans la région de Fruita, mais nous nous régalons., sans imaginer un instant que le décor changera totalement le lendemain sous le soleil qui fait fondre les dix centimètres de neiges tombés dans la nuit…
Une telle journée ne peut se terminer qu’en apothéose… Le Capitol Reef Resort se révèle un établissement fort agréable. Des petits bungalows ne manquant de rien et surtout un restaurant où nous goûtons un repas savoureux accompagné de vins de très bonne qualité. Le tout servi avec le sourire et un plaisir évident. Une bonne adresse.
♠ Zion National Park
Sa visite n’était pas prévue dans notre projet initial. Mais nous sommes à Bryce et il n’est pas loin. Louis dixit : -il serait dommage de ne pas y aller-. Et comme les désirs de Louis sont toujours exaucés, nous voilà en route.
Dès notre entrée dans le parc, par la UT 9, il est évident que Zion est totalement différent de ce que nous avons pu admirer jusqu’à aujourd’hui. Ici, pas de mesas, de dentelles finement sculptées, de déserts rocheux, mais des falaises de grès qui descendent jusqu’à nos pieds. Une rivière, largement visible. Une végétation beaucoup plus abondante aussi, des arbres et non seulement des buissons rabougris. D’autres couleurs : des verts, des bruns et des gris.
Canyon Overlook Trail , juste avant un tunnel dont la circulation est gérée par les rangers du parc, nous tente. Nous enfilons nos chaussures de marche et c’est parti. Un escalier creusé dans la roche nous fait prendre tout de suite de la hauteur et craindre le pire. Mais c’est une fausse alerte. Le sentier continue en légère pente, suivant les bords d’un étroit canyon aux points de vue spectaculaires, donnant parfois dans le vide. Au bout, une vue magnifique sur la partie sud du parc. Deux kilomètres et demi, aller-retour, qui en valaient la peine.
Nous revoilà en voiture. La route plonge en lacets en direction de Zion Canyon, très belle. La Virgin River a creusé une vallée bordée de pics majesteux très colorés qui se dressent au-dessus des nos têtes. Arrêts obligatoires.
La Scenic Drive qui longe la rivière pendant six miles est très spectaculaire. En cette époque de l’année, elle est encore ouverte à la circulation. Plus tard, elle pourra être parcourue uniquement en navette. De nombreux points d’observation permettent de suivre les chemins qui s’engouffrent entre les parois d’impressionnantes falaises descendant à pic depuis le ciel.
Mais, pour la première fois de notre voyage, nous rencontrons un monde fou. Il devient difficile d’arrêter notre véhicule pour faire deux pas ou prendre une photo. On se croirait en été, en pleine saison touristique.
De guerre lasse, nous finissons pour aller manger un morceau à Zion Lodge où, malgré notre arrivée à deux minutes de la fermeture, nous sommes accueillis avec le sourire et servis avec courtoisie…
La vue depuis sa terrasse rend encore meilleurs nos hamburgers.
♠ Burr Trail
Peu de temps avant notre départ, un ami nous avait conseillé de parcourir cette route , dans le Grand Staircase-Escalante National Monument. Il l’avait trouvée magnifique.Quelques recherches rapides sur le net nous avaient permis de le situer et de lire qu’il s’agissait d’une piste difficile, nécessitant d’un véhicule tout terrain par mauvaises conditions atmosphériques.
Il est sur notre chemin, nous avons un 4×4 et le goût de l’aventure ne nous manque guère…
Forts de ce conseil, un soir, à Monument Valley, nous sortons ordinateurs, notes de voyages, Google Map…
-Mince, la route traverse le lac Powell. Et il n’y pas de pont… Il faut prendre un bac à Bullfrog- découvré-je.
– Il n’est pas en service au mois de mars- ajoute Christine.
Claude et Louis, perdus dans leurs nouvelles genevoises, écoutent d’une oreille distraite… Et bien, tant pis, nous nous contenterons d’en faire un bout depuis Boulder.
Et quel bout, mes amis. Nous venons de franchir un col frôlant les 3000 mètres d’altitude, en affrontant la neige qui est tombée dans la nuit.
Nous avons dégusté un excellent café « espresso » et quelques pâtisseries dans un improbable estaminet. Il fait frisquet, mais le soleil est revenu et nous sommes d’excellente humeur.
La piste s’avère être pour l’instant un ruban asphalté qui parcoure en zigzaguant un plateau rocheux aux jaunes et gris dominants. Mais cela ne dure guère. La terre devient rouge, les buissons se multiplient. Christine et moi, nous nous regardons. Cela nous rappelle l’Australie, les kangourous en moins, bien sûr…
Un coup de frein, je parque la voiture. Un canyon magnifique s’étale à nos pieds, quelques dizaines de mètres plus bas. Cinq ou six virages et nous y sommes. Des parois vertigineuses nous enserrent. L’eau, la glace et le vent ont fait leur travail. Des pics, des ravines, des couloirs dessinent des formes toujours différentes. Et cela dure une dizaine de kilomètres. Le paysage s’ouvre. Une énorme plaine désertique, parsemée des buissons, s’offre à nos yeux. Nous apercevons la route qui continue, presque à l’infini, pressée de rejoindre les chaînes montagneuses enneigées qui se dérobent sans cesse.
La tentation de continuer est grande, très grande… Mais nous devons nous montrer raisonnables. Consolons-nous avec un sandwich et rebroussons chemin. Merci l’ami !
Mais l’histoire n’est pas finie…
Regardez-bien la carte. Si vous ne l’avez pas déjà vu, vous le verrez rapidement. La Notom Road… Nous aurions pu l’emprunter depuis Capitol Reef, apprécier ses paysages splendides, parcourir presque intégralement le Burr Trail et terminer notre périple à Boulder.
Et bien, nous ne l’avons pas vue…
Que nenni ! Nous n’avions pas bu. Nous étions à Monument Valley et je vous rappelle que la vente d’alcool y était interdite.
Quoi qu’il en soit, amis lecteurs, si un jour vous passez dans le coin, n’hésitez pas. Ne faites pas comme nous !
♠ Le lac Powell et le Colorado
Le lac Powell est un gigantesque lac artificiel crée grâce à un barrage sur le Colorado. Il s’étend sur plus de trois-cent kilomètres et ses rivages s’allongent sur plus de trois mille. Il nous semblait donc assez évident que nous le verrions ici et là dans notre périple. D’ailleurs, en voici la preuve…
Et bien, non. Jamais preuve ne fut aussi manipulée… Certes, à Page, grâce au Glen Canyon Dam, vous ne pouvez pas le rater, mais pour le reste, il n’est pas facile à dénicher.
La sécheresse et l’exploitation massive de ces dernières années en ont considérablement baissé le niveau. Les mille et un canyons remplis de ses eaux sont difficilement atteignables ou alors asséchés.
Et le Colorado, me demandez-vous ?
Ce n’est guère mieux. Tout d’abord, il traverse des plateaux déchiquetés par l’érosion. Le fleuve a creusé des à-pics profonds de plusieurs centaines de mètres et il s’écoule à l’abri du regard. Puis son débit a baissé d’un bon tiers ces dernières dix années. Pour terminer, il n’y que quelques rares ponts qui le traversent…
Mais revenons à notre voyage.
Les excursions à Antilope Canyon sont bondées, les eaux du lac Powell tellement basses que les bateaux ne peuvent pas atteindre les endroits les plus spectaculaires…Bref, nous disposons d’une journée.
Et si nous allions chercher le lac Powell ?
Encore une fois, nous sortons ordinateurs, prospectus et cartes. Nous dénichons une piste qui, partant de Big Water devrait nous conduire sur les rives du lac, à Warm Creek Bay.
Même notre GPS et Christine surtout se plantent. Mais ils finissent par la trouver, cette satanée piste. Il faut dire qu’ils ne sont pas les seuls. Même le web éprouve toutes les peines du diable pour dénicher une carte…
Un gué, cela commence bien… En réalité, un mince filet d’eau que je m’amuse à franchir le pied au plancher. La piste 230 est facile. Elle parcourt un plateau désertique que le temps a façonné de mille manières. Des étranges statues de pierre que nous nous amusons à baptiser. Ici c’est la sorcière, là-bas le coq, tout au fond le chapeau..
-Tiens. On dirait que celle-là a quatre pattes-.
Non et puis non. Nous sommes une bande copains. Je n’écrirai pas qui a dit cela…
Un embranchement. Nous bifurquons à droite, sur la 231. Au fait, nous suivons le lit d’une rivière asséchée, affluent périodique du lac. Notre 4×4 de ville s’en sort plutôt bien, malgré ses marchepieds, son spoiler avant et ses gros pneus. Il suffit de rouler parfois au pas et d’éviter les quelques pièges du chemin.
Les parois rocheuses se penchent sur nous, essayent de nous effrayer en s’avançant au-dessus de nos têtes, chaque virage annonce un défi. Inutile. Nous ne nous arrêterons pas, ou alors seulement pour piqueniquer.
Tout ce qui est beau se termine un jour. Les eaux du lac miroitant au lointain, nous devons stopper. Un devers sablonneux trop raide nous barre le chemin. C’est trop risqué de l’affronter avec une voiture de location.
Qu’importe. Nous allons continuer à pied. Louis et moi-même ouvrons la marche, Claude et Christine papotant… oup, pardon… photographiant à l’arrière.
Nous partons chacun de notre côté, en suivant notre esprit d’aventure. Louis aperçoit ce qui est vraisemblablement un très rare Condor de Californie. Il m’en avise.
Tout au moins, il me dira plus tard qu’il m’a appelé. Je ne l’ai pas entendu, J’avais d’autres chats à fouetter.