HORNSTRANDIR

♦ 25 juin 2014

 

La réserve naturelle d’Hornstrandir incarne à mes yeux l’essence même de l’Islande sauvage et intime que nous avions découverte il y plus de 20 ans. Habitée jusqu’à la fin des années septante par des pêcheurs, des chasseurs d’oiseaux et des récoltants d’œufs et de duvet d’eider, elle a été désertée par l’homme. Il ne subsiste des villages de jadis que des maisons abandonnées, parfois transformées en résidence secondaire par quelques islandais amoureux de la nature.

Il y a seulement quelques années, son accès était particulièrement difficile. Quelques rares bateaux vous y amenaient et surtout vous en ramenaient, si les conditions climatiques le permettaient…

Depuis peu, le tourisme y a fait sa timide apparition. Des agences proposent des excursions d’un ou plusieurs jours, des petits bateaux, aux horaires très restreints, assurant la liaison avec Isafjördur et sa région.

On ne va pas à Hornstrandir comme nous avons été à Vigur. C’est le paradis du randonneur aguerri qui transporte sur son dos tout ce qui est nécessaire à la survie pendant plusieurs jours, dans une nature rude et parfois hostile. C’est le paradis du solitaire qui se nourrit de la poésie des images et de l’enchantement d’une faune et d’une flore exceptionnelles.

Hélas, nous ne disposons que d’un seul jour. Le bateau nous amènera, dès 0900, de Bolungarvik à Hesteyri. Il viendra nous rechercher à 1800.

Malheureusement, nous ne sommes plus que cinq. Georges fait des caprices et est resté au lit avec une fièvre de cheval.

Il fait beau et chaud à notre arrivée à Hesteyri. Pour une fois, nous avons de la chance. Les quelques jeunes personnes qui ont fait le voyage avec nous se mettent rapidement en marche pour leur randonnée de plusieurs jours. Nous avançons avec plus de précautions en nous frayant un chemin entre les fougères qui bordent les rivages du fjord. Nous comptons atteindre un petit lac qui se trouve à environ 2 heures de marche, mais notre véritable espoir est celui de rencontrer le renard polaire, seigneur des lieux, grâce à la présence de milliers d’oiseaux qui lui assurent sa pitance.

 

Sur la plage, nous repérons des traces. Les jumelles scrutent chaque recoin, en vain.

Le chemin grimpe doucement, en nous dévoilant des points de vue magnifiques sur la baie. Bientôt, nous ne serons plus que trois. L’attrait du vide a eu raison de Françoise. Christiane a préféré l’accompagner dans son retour aux maisons d’Hesteyri.

Nous avançons, en franchissant parfois des névés. Nous sommes seuls, si l’on fait abstraction des moucherons islandais. C’est beau et je me surprends à rêver d’y revenir un jour pour traverser la péninsule jusqu’aux falaises du nord. Douce illusion…

Le lac est encore abondamment entouré de neige. Deux cygnes chanteurs y ont élus domicile. Dominique et moi-même essayons de les approcher. Ils n’apprécient pas et il nous le font savoir, en sifflant copieusement. Nous déployons toutes nos ruses de Sioux pour gagner un mètre ou deux. Eux, d’un coup de palme, s’éloignent de trois. Tant pis, nous nous conterons d’observer de plus près un pluvier doré moins contrariant.

Le temps passe, toujours sans renard polaire. Il faut revenir. Curieusement, Françoise et Christiane ne semblent pas avoir souffert de notre absence. Elles ont repéré un petit café ouvert dans l’une des anciennes maisons. Une aubaine pour le soussigné, qui a fait l’erreur de boire une gorgé d’eau bourré de soufre. Je n’ai jamais autant apprécié une carafe d’eau.

Une jeune Française, très sympa et visiblement éprise d’Islande, y travaille. Elle nous apprend qu’un couple de renards polaires se balade dans le coin. Il a sa tanière un peu plus haut. « Damned », nous avions renoncé à partir dans cette direction car ça grimpait sec.

Ce n’est donc que partie remise. Christine, Dominique et moi-même partons en chasse. Quelques enjambées et nous nous arrêtons déjà. Quatre garrots arlequins, cet oiseau que nous avions tant cherché à Myvatn, se prélassent sur un rocher au milieu du courant du torrent.

 
     

A grands moulinets de bras, nous parvenons à réveiller Françoise de sa torpeur. Elle nous rejoint, de façon à pouvoir ajouter la photo de beaux mâles à celle de la terne femelle d’y a quelques jours…

 

Un peu plus haut, le renard polaire est aussi là. C’est Dominique qui l’aperçoit. C’est normal, il est toujours des dizaines de mètres devant nous, pauvres citadins peu entraînés.

 

Le renard se tient près d’un rocher, à environ 200 mètres. Nous essayons de l’approcher le plus discrètement possible. Nous parvenons à une trentaine de mètres de ce que nous pensons être sa tanière, car il a disparu. Nous cherchons un bon point d’observation, plaçons nos trépieds, nous nous apprêtons à une longue attente et, voilà qu’il se montre à 200 mètres de nous, sur la gauche.

Comment diable a-t-il pu arriver là ? Sus aux précautions d’usage. Nous partons à sa poursuite, avec des résultats très mitigés, car il se joue de nous. C’est uniquement de retour au café, en observant à la jumelle, que nous nous rendons compte qu’il s’agissait du deuxième renard du couple et que, probablement, depuis son rocher, l’autre nous a regardés, amusé, poursuivre nos chimères.

Hornstrandir a décidé de nous montrer un autre de ses aspects, moins convivial. Le bateau qui devait nous ramener à la civilisation est tombé en panne. Nous devons attendre qu’une deuxième embarcation termine son parcours prévu pour venir nous récupérer. Deux heures glaciales, à cause du vent qui s’est levé.