Le réveil a sonné. Il est 0430. Oui, oui, vous avez bien lu. Il ne s’agit nullement d’une faute de frappe. Nous avons rendez-vous à 0645 avec un guide, à Ingolfshöfdi, à 130 kilomètres de nos cottages. Il nous amènera, sur une carriole tirée par un tracteur, sur l’île du même nom, une réserve naturelle.
Pour l’instant, nous roulons assez vite sur la route 1, déserte à cette heure-ci. La lumière est un peu meilleure que d’habitude. Nous apercevons même plusieurs éclaircies dans le ciel. Le Vatnajökull nous fait de l’œil, au lointain. Peu à peu, il se dévoile, en nous offrant des vues superbes, notamment lorsque nous longeons le Skeydararsandur, cette énorme plaine noire et sinistre, drainée par mille torrents, formée par les crues faisant suite aux éruptions des volcans environnants. Pas question de s’arrêter, nous ferons ça au retour. Classique erreur de débutant, je la regretterai bien évidemment par la suite. Mais l’équipe caressait l’espoir de trouver un endroit où boire le café. Basses considérations matérielles qui ne seront d’ailleurs pas exaucées.
Pour éviter de nous trouver à 50 personnes dans la remorque, nous avons choisi le tour « photo » qui nous garantit un maximum de 15 personnes à bord. Il coûte un peu plus du double (environ 100 CHF). En fait, nous serons accompagnés uniquement par un couple hollandais.
Nous nous mettons en branle. Nous traversons 6 km d’eau, marais et sables, pas mal chahutés par ce moyen de transport original. C’est amusant. Einar, notre guide et propriétaire de la ferme dont nous traversons les terres, nous explique que nous ne verrons pas beaucoup de macareux car les mauvaises conditions météorologiques les poussent en mer. Tiens, nous le savions déjà…
Pied à terre, nous gravissons une pente sablonneuse. Les grands labbes, qui nichent sur l’île, nous accueillent fraîchement. De temps en temps, il feignent une attaque, mais ils semblent moins agressifs que les sternes arctiques ou les labbes parasites, pourtant bien plus petits et moins puissants qu’eux. Une attitude certainement influencée par l’habitude de voir débarquer chaque jours des drôles d’animaux un peu envahissants, mais pas très dangereux.
Sous son aspect pataud, le grand labbe ou skua est un oiseau dangereux pour la gent ailée. Il attaque souvent les autres oiseaux pour leur voler leur proie et tue les petits en période de nidification.
Les macareux que nous rencontrons un peu plus loin sont beaucoup plus gentils, sauf avec une seule espèce de poisson, les lançons, dont ils se nourrissent, eux et leurs poussins, en abondance.
Nous sommes désormais de retour sur la route 1. Nous nous déplaçons en direction de Jökulsarlon, ce lieu mythique d’Islande, où les glaciers rejoignent la mer. Il y a toujours du monde à Jökulsarlon. Il y en avait un peu en 1993, un peu plus en 2003, beaucoup plus aujourd’hui. Les voitures amphibies font une navette incessante entre le parking et le lac, embarquant à chaque fois une cinquantaine de touristes, les rivages sont noirs de monde, le petit restaurant est bondé.
Mais le spectacle des icebergs qui se détachent du champ de glace, traversent lentement la lagune glaciaire et finissent par s’écouler dans la mer, est saisissant. Des centaines et des centaines de sternes arctiques partagent notre avis et jouissent de l’attraction, souvent en l’air ou parfois commodément installées dans leur fauteuil de glace. Aujourd’hui, la marée montante bloque les glaçons géants en bord de mer, en érigeant une muraille infranchissable ou presque. Seul quelques icebergs plus hardis que les autres flottent dans l’Atlantique.
Une facette de Jökulsarlon que Christine et moi-même n’avions jamais observée. Comme quoi, il faut toujours revenir à Jökulsarlon lors d’un voyage en Islande…
Nous revenons sur le Vatnajökull et Skaftafell. La belle lumière de ce matin a disparu, laissant sa place à un ciel gris qui écrase tout contraste. Ma caméra n’est pas contente. Elle me le fait savoir en se mettant en panne. Je dois la cajoler pour qu’elle consente à reprendre du service. Il y a trop de monde, nous ne restons pas longtemps.
La journée a été longue. Georgette ramène Christiane, Françoise et Georges au bercail. Il faut dire que les deux derniers ont quelques pépins de santé.
Les autres, ils flânent dans le coin. Tout d’abord, au Svinafellsjoküll. Un sentier permet de remonter la langue de glace, en offrant des coups d’œil spectaculaires. Avec un peu de courage, voire d’inconscience, on peut même marcher sur le glacier, n’est pas Dominique ?
Puis, nous empruntons une piste 4×4 qui démarre, sur la droite en venant de l’est, juste après le pont sur le Nupsvötn. Nous sommes sur le Skeydarsandur. Au passage, nous avons l’occasion d’observer les importantes digues que les Islandais ont bâti et continuent à bâtir, dans l’espoir d’arrêter ou de ralentir l’immense masse de glace, eaux boueuses et sédiments de la prochaine éruption. Nous approchons d’ailleurs le front noir du Skeydararjökull, d’où surgissent les crues gigantesques provoquées par le débordement des lacs, lors de l’éruption des volcans cachés sous le Vatnajökull.
Enfin, nous parvenons à une jolie chute, assez intime, dont la douceur contraste avec le paysage dur et sauvage qui nous entoure. Joli endroit pour pique-niquer ou pour planter sa tente, si on aime être seul avec la nature.