LA ROUTE 622

26 juin 2014

 

Georges va mieux. Heureusement, car Georgette piaffe d’impatience.  Aujourd’hui, pour atteindre Latrabjarg, la fameuse falaise à oiseaux, sise à l’extrémité ouest de l’île, Otto et elle devront affronter une première difficulté majeure : la route 622.

   

Personne ne prête vraiment attention aux paysages qui défilent autour de nous, même s’ils sont, comme très souvent en Islande, de toute beauté. Tout le monde scrute la mer, à la recherche d’un indice. Si la marée monte, quelques centaines de mètres de notre future piste seront recouverts d’eau et le passage risque d’être pénible.

Ce n’est pas un courant d’air qui traverse les voitures. Les fenêtres sont fermées. C’est le souffle de l’aventure.

Nous sommes bientôt à Pyngeri. Les gérants de la station d’ essence, où nous nous sommes arrêtés boire un café, nous informent que la route est libre. Pas d’éboulement ou d’obstacles quelconques. Allons-y.

Après quelques kilomètres dans des pâturages, la piste, facile pour l’instant, côtoie la mer. Puis, elle commence à monter, doucement tout d’abord, puis plus sèchement, étroite et sinueuse. Nous sommes rapidement prisonniers entre la montagne et le vide. Les ocres et les gris des falaises jouent un ballet multicolore avec le bleu sombre, presque noir, de la mer.

Pas question de peser sur l’accélérateur. C’est glissant et toute embardée nous serait fatale. Seuls les moutons et les oiseaux nous tiennent compagnie. Parfois, nous devons nous arrêter pour laisser passer les premiers : il n’y pas de place pour tous les deux.

Malgré le ciel gris, entrecoupé de quelques rayons de lumière, le spectacle est fascinant. Nous avançons sur une piste tracée au beau milieu d’une pente très abrupte. À chaque virage, la mer nous dessine un tableau différent.

Puis, notre route s’en écarte. Les paysages se font moins sévères, la végétation revient. Un gué, puis un deuxième, aussi facile que le premier. Nous attendons tous le rocher que nous avons vu dans des images tournées par nos prédécesseurs, qui annonce le passage en bord de mer.

Le voilà à l’horizon. J’accélère. Nous avons hâte de savoir.

En fait, le passage tant redouté par certains s’avère d’une facilité dérisoire. Il suffit de rouler lentement sur les cailloux arrondis qui ont remplacé la terre. Quelques soubresauts parfaitement maîtrisés par les conducteurs et nous sommes passés. La mer est bien là, mais elle ne nous a même pas mouillé les pneus, contrairement à la pluie qui s’est mise à tomber.

Il ne nous reste qu’à rouler sur une piste facile maintenant qui nous offre des paysages époustouflants. La route 622 est bien belle.

Coup de frein brutal. Un filet nous barre la route : passage interdit, cause nidification des eiders. Ce n’est pas possible, nous sommes à quelques centaines de mètres de la route 60.

Dominique et Georges partent en reconnaissance, le premier dans les collines pour trouver un passage praticable, le deuxième sur la piste, après avoir enjambé l’obstacle. Ils reviennent vite : le premier en secouant la tête, le deuxième poursuivi par des oiseaux en furie.

Nous avons vaincu la route, mais nous avons été vaincus par des vulgaires canards.

                       

Un peu dépités, en pestant contre ces Islandais qui barrent une route pourtant officielle, sans le moindre avis, nous rebroussons chemin. Nous tentons bien d’emprunter une vague piste qui coupe la péninsule en deux, mais la neige nous arrête rapidement. Il faudra revenir jusqu’à Pingeyri, 50 kilomètres plus loin, pour retrouver notre chemin. La journée risque d’être longue.

Heureusement, la marée est restée bien sage. Nous repassons sans souci et nous roulons, nous roulons. Les paysages sont superbes, mais l’humeur est un peu maussade. Seule Dynjandi, la majestueuse, que l’on voit de loin, tellement elle s’étale sur son rocher, nous redonne le sourire.

Puis, c’est à nouveau la piste, en direction de Breidavik. Un coup d’œil discret à Otto et, obtenu son accord, je cède le volant à Françoise. Ma foi, elle se débrouille fort bien.

   

   

Il pleut à verse, maintenant et le vent s’en mêle, ce qui ne contribue pas à rendre plus gai l’hôtel Breidavik, le seul établissement sans charme qui offre à la fois camping, dortoirs et chambres près des falaises de Latrabjarg, au prix fort, bien entendu.  Au moins, nos chambres sont confortables, car le dîner est réduit à sa plus simple expression, mouton ou cabillaud, cabillaud ou mouton, fort convenables toutefois.