Pendant que nous faisons route vers ce parc mythique, je me surprends à avoir une crainte. Monument Valley, Bryce Canyon, les splendides paysages de l’ouest américain… Nous avons tellement vu de merveilles de la nature. J’ai peur d’être déçu. Ridicule, n’est-ce-pas ? Mais c’est ainsi.
Enfin, qui vivra verra…
Des doutes vite dissipés. Dès le premier point du vue que nous abordons, Desert View, la nature accomplit son énième miracle. A nos pieds s’étend un paysage de rêve fait de profondeurs, contrastes et couleurs. Tout au fond, nous apercevons parfois le Colorado. Difficile d’imaginer qu’un tel fil d’eau ait pu dessiner un tel paysage.
Des couleurs différentes. Si le rouge et toutes ses nuances dominent toujours, la végétation, plus présente, sème des touches de vert plus ou moins foncé, plus ou moins dominantes.
Certes, je savais que le canyon était immense, mais cette immensité s’étale en ce moment devant mes yeux. C’est beau et impressionnant, presque irréel. Je ne voudrais pas partir, mais d’autres points de vue nous attendent…
Et le spectacle continue, A chaque arrêt, un autre aspect de ces gorges qui s’entrelacent pour atteindre le sillon principal, se dévoile à nos yeux. Nous filmons, nous photographions. Difficile de résister à la tentation.
Une courte escapade au Visiteur Center, bondé de touristes, un saut à l’hôtel à Tusayan, à la limite du parc, pour récupérer nos chambres et nous sommes nouveau en route , direction Navajo Point, pour admirer le coucher du soleil.
Pas de chance. Les nuages ont envahi l’horizon et la lumière peine à trouver un passage. Qu’importe. Le spectacle est toujours là et nos yeux se régalent.
…Si hier soir, le soleil nous a fait des blagues. Il n’osera pas recommencer ce matin, c’est certain.
C’est presque devenu un rituel. Nous nous retrouvons dans la pénombre du jour qui s’annonce, certains plus endormis que d’autres. Nous sautons dans la voiture et nous partons pour surprendre l’arrivée de la lumière.
Yavapai Point. Six heures et demi. Le Grand Canyon est encore envahi par les ombres de la nuit. Nous scrutons le ciel… Tentons de deviner d’où jaillira le soleil.
Il est bientôt là. Les ombres se dissipent, les détails apparaissent, une paroi s’illumine, une gorge se dévoile. Tout le monde se tait. Un moment de rare beauté qu’il faut déguster en silence.
Un petit-déjeuner plus tard, nous avons fait le plein d’énergie. Le temps est splendide, la température agréable (autour des quinze degrés). Nous sommes prêts à découvrir le Grand Canyon à pieds.
-Le Bright Angel Trailhead- me demandez-vous, admiratifs ? N’exagérons pas. Ce chemin qui descend au fond du canyon est un véritable défi. Quinze kilomètres, mille sept cent mètres de dénivellation, dix degrés de différence entre le haut et le bas. Quatre litres d’eau par personne. Et il faut ensuite remonter par le même chemin ou par un autre, South Kaibab Trail, pas plus commode que le premier. La plupart des marcheurs le parcourent en deux jours, ce qui est recommandé et implique un sac de bivouac. Peut-être il y a vingt ans…
Non, nous nous contenterons de suivre le Rim Trail vers l’ouest du parc qui longe le canyon sur huit miles, en zigzaguant entre les points d’observation. Une route, fermée à la circulation privée dès le premier mars de chaque année, le côtoie. Elle est parcourue par des navettes qui permettent de nuancer l’effort à tout moment.
Notre émerveillement continue. Le Grand Canyon change d’aspect à tout moment. Ici un éperon rocheux conduit le regard jusqu’à la rive nord, là-bas le Colorado se dévoile. Nous apercevons quelques-uns de ses rapides. Nous croyons même les entendre… Force de la suggestion, peut-être.
Plus loin, une vue à 180 degrés fait apparaître les différentes strates rocheuses. Chaque couche a une couleur différente, véritable histoire géologique que je suis loin de comprendre.
Et puis, parfois, le sentier s’égare jusqu’au bord de la falaise. Une vue impressionnante, presque à la verticale. Vertige, appel du vide… qui s’en soucie ?
Époustouflant. Nous regrettons un peu de ne pas pouvoir explorer l’autre rive… Mais, à cette époque de l’année, les routes sont fermées.