LE LAKI

♦ 6 juillet 2014

 

Enfin en piste. Nous roulons en direction du Laki. J’attendais ce moment avec impatience, curieux de découvrir les effets de cette gigantesque explosion, dont les conséquences dévastatrices sur le monde de l’époque auraient eu une influence sur l’éclatement de la révolution française.

Les premiers kilomètres de la F206 se fraient un chemin dans des collines verdoyantes, illuminées par le soleil. Un tableau plutôt calme et apaisant, inattendu. Puis rapidement, la route monte, traverse des paysages plus sévères, se rétrécit. Nous nous retrouvons dans un décor plus conforme à une éruption volcanique, fut-elle âgée d’environ 240 ans.

 

Voilà un gué, le premier de la journée. Je n’ai même pas besoin de consulter Otto. Je cède le volant à Françoise. Elle ne peut pas quitter l’Islande sans en avoir vaincu un. Elle le passe en sifflotant…

Nous sommes bientôt au gué de la Skafta, le plus difficile de la F206, paraît-il. Un car 4×4 nous précède d’une centaine de mètres. Il quitte la  piste et s’apprête à traverser à un endroit inattendu. Moments de flottement dans la voiture. Y a-t-il une raison précise ou veut-il simplement impressionner ses passagers ? Le gué « normal » ne me semble guère problématique. Je m’y engage, en suivant le fil du courant. Georgette et Georges suivent. Élémentaire, mon cher Watson…

   

 

Nous pénétrons dans le monde de la lave, un univers noir et vert, fait de mille facettes et d’autant de nuances. Pour quelle raison, elle sort ici noire, sinistre et fascinante, alors que quelques mètres plus loin elle est recouverte d’une mousse verte qui se prolonge parfois jusqu’à l’horizon ? Aucun de nous n’est géologue. Nous n’avons pas de réponse. Nous nous contentons de savourer le spectacle, d’autant plus qu’à notre grand étonnement, nous sommes pratiquement seuls sur la piste.

Quelques gués se succèdent. Otto et Georgette se mouillent à peine les pneus. A l’un d’eux nous dépassons un jeune couple en Ford Explorer. Nous apprendrons par la suite que le filtre à air de leur véhicule a été mouillé au gué de tout à l’heure. Ils ont passé la nuit sur la piste, en attendant qu’il sèche. Les nôtres sont protégés…

Au petit refuge du Laki, nous écoutons sagement les explications de la jeune ranger. Nous chaussons nos bottes des Alpes et nous entreprenons la marche qui nous amènera au sommet du volcan principal.

 

                                                                       

   

C’est vivifiant (le vent s’est levé), fatiguant et aussi magnifique. Nous jouissons de vues splendides sur les pseudo-cratères du Laki et sur le Sidujökull, un bras de l’immense Vatnajökull. Il nous faudra une heure et demie, pauses photos exclues, pour faire le tour. La descente dans les blocs de lave est assez raide. Pour soulager mes pauvres jambes, et pour retrouver mes cigarettes que j’ai oubliées dans la voiture, je m’amuse à la faire au pas de course.

Le soleil, qui nous a accompagnés jusqu’ici, entre un nuage et l’autre, semble vouloir s’en aller. Derrière nous, le ciel est sombre, très sombre. Il est temps de revenir par la boucle de la F207. La piste se fait plus difficile. Nous traversons des déserts de sable noir et roulons souvent sur des blocs de lave, parfois presque au pas. J’attends avec impatience le gué annoncé comme profond, juste avant de retrouver la F206. C’est Dominique qui conduit, mais je ne suis pas jaloux.

L’eau est trop froide pour que nous amusions à tester sa hauteur. C’est effectivement le gué le plus profond que nous avons eu à franchir. Rien d’insurmontable, rassurez-vous. Il suffit de savoir nager. Christiane, qui n’a jamais appris, n’a pas voulu prendre place sur toit de la voiture…

     

 

     

L’orage nous a rattrapés. Pas seulement la pluie, mais la grêle, puis la neige. La température baisse : en quelques minutes, elle a passé de 12 à 4 degrés. Non seulement c’est dantesque, mais c’est aussi la parfaite démonstration de la rapidité du changement des conditions météo en Islande. C’est tellement soudain que cela aurait pu nous arriver pendant que nous grimpions le volcan, toute à l’heure. Nous en frissonnons rétrospectivement.

La piste se couvre de flaques profondes d’eau brunâtre qui s’écoule un peu partout, en créant ici et là des ravines qui, heureusement, ne sont pas trop prononcées, car le sol est dur et s’abîme uniquement en surface. Les gués enflent, pas assez pour nous créer des soucis, mais de manière évidente. Fascinés, nous roulons ainsi une demi-heure, peut-être quarante minutes. Puis, tout se calme. Il pleut toujours, mais déjà la lumière du soleil tapisse le voile nuageux.

Nous sommes de retour à notre camp de base. Je me précipite sur l’ordinateur. Quelques jurons bien appuyés annoncent aux autres que la F26 est toujours fermée. Il faut se résigner : adieu aux rêves d’aventures sur quelques-unes des pistes les plus difficiles d’Islande.

   

Nous rentrerons donc par les fjords de l’Est. Nous pourrions rejoindre Askja par le sud, mais la F894 est aussi fermée. Nous y renonçons. Les heures et les heures passées à préparer notre voyage défilent dans ma tête. Il faut concocter un itinéraire de remplacement. Il n’est pas évident de trouver des chambres d’hôtel pour six personnes, au mois de juillet, en pleine saison touristique. Avec Dominique, nous y parvenons avec difficulté.

 

Après tout, il faut savoir voir le bon côté des choses. Au moins un membre du groupe n’est pas trop mécontent du changement de programme : n’est-ce pas Françoise ?