Depuis deux ou trois jours, le soleil semble vouloir prendre le pas sur les nuages et la pluie. Il va et il vient, il a de la peine à s’affirmer, mais il est là.
Nous comptons rejoindre Bakkagerdi, au bord du Borgarfjördur, un endroit qui évoque d’excellents souvenirs à Christine et moi-même. Nous avons risqué notre réputation, en garantissant à nos amis la présence de nombreux macareux
La route côtière n’a pas le charme sauvage, un peu canaille, des celles que nous avons parcourues au nord et à l’ouest. Elle nous offre néanmoins quelques belles images, surtout lorsqu’elle s’élève et surplombe la mer.
Nous nous arrêtons à Djupivogur, un village sans charme particulier, son petit port mis à part. Nos réservoirs sont presque vides. Pas de chance, la station de service est en panne. Nous sortons calculettes et cartes géographiques, nous comptons les kilomètres qui nous séparent d’Egilsstadir, nous discutons et décidons que ça doit aller. Pourvu que les jauges japonaises soient assez précises…
Nous empruntons un raccourci : la route 939. Elle grimpe assez sèchement, elle doit gravir un col qui nous amènera au Lagarfljot. Soudainement, c’est le brouillard, le vrai. Visibilité à une dizaine de mètres, pas plus, dans un décor sauvage que nous apercevons à peine, entre un coup de vent et l’autre. Encore une fois, comme au Laki, la température baisse sérieusement.
Ca ne dure pas longtemps. Le brouillard a disparu. La route se faufile entre rochers et terres brunâtres. Des larges plaques de neige recouvrent encore le sol. Comme toujours lorsque nous quittons les itinéraires touristiques, nous sommes seuls.
Puis le paysage change à nouveau : c’est la plaine du Lagarfljot, verdoyante, parsemée de fermes d’élevage. Les terrains sont souvent entourés de barbelés qui interdisent une quelconque sortie de l’axe principal. C’est une drôle de sensation dans ce pays, où la nature nous a habitués à une liberté totale.
Il fait beau et chaud maintenant. Le thermomètre d’Otto indique 17 degrés. Raison de plus pour ne pas s’attarder à Egilsstadir, juste le temps de faire l’essence. Les macareux nous attendent.
Les premières dizaines de kilomètres de la route 94, qui alterne asphalte et terre battue, ne sont pas très spectaculaires. Les fermes et les hameaux se succèdent, un peu monotones. Cela change dès que nous prenons la direction de l’est. Nous franchissons un col, sur une route gravillonné, sinueuse et glissante, en croisant quelques engins de chantier qui nous font supposer qu’elle sera bientôt asphaltée. Au sommet, la vue sur le Heradsfloi est saisissante. Une étroite plage de sable clair sépare la mer des marécages créés par le delta de la Jökulsa a bru. En toile de fond, les montagnes enneigées. C’est splendide.
C’est maintenant la longue descente, par une route en lacets, sur Bakkagerdi, Borgafjördur Eystri et son fjord. La mer nous apporte quelques tableaux intéressants, la route surplombant parfois le vide.
Depuis notre dernier passage, le village s’est agrandi et modernisé. Il reste néanmoins un coin perdu au bout du monde. La plaine herbeuse où nous avions planté notre tente est toujours là, juste bordée de deux ou trois maisons qui n’existaient pas.
Cette nuit, nous dormirons à l’hôtel Alfheimar. Nous avons définitivement renoncé à étrenner nos tentes qui nous suivent pourtant fidèlement depuis Genève.
La route s’arrête une dizaine de kilomètres plus loin, dans un petit port de pêche. Une courte passerelle en bois grimpe sur un promontoire herbeux. Gagné, ils sont là, nombreux et pas farouches du tout. C’est un incessant ballet entre les nids creusés dans la pente et la mer, à la recherche de la nourriture pour les petits, cachés au fond de leur tanière. Nous les guettons et reguettons, à la recherche du meilleur cadrage. Les mouettes tridactyles aussi, pour leur voler leur pitance. Le temps s’écoule, mais personne ne s’en plaint.
Nous avons bien mérité notre apéro, que nous prenons, sous un soleil éclatant, sur la terrasse du café Alpha, un établissement au cadre original. Nous y dînerons d’une succession d’amuse-bouches de qualité. La soupe de poisson est, selon l’avis unanime de ceux qui l’ont goûtée, excellente.