ROUTES ET PISTES D’ALASKA

 

Nous revoilà sur terre…

Anchorage nous a accueillis sous la pluie. Peu importe. Depuis la fenêtre de ma chambre d’hôtel, j’aperçois sur le parking les deux 4×4 qui seront nos compagnons d’aventure ces prochains quatorze jours.

Ils s’appellent Yukon et Nenana. Sur la base d’une Toyota Tacoma, Overland Explorer, la compagnie qui nous les a loués, a ajouté tente de toit et auvent, frigo, cuisinière, tables et chaises de camping, réservoir d’eau propre, toilettes chimiques et j’en oublie, en exploitant astucieusement chaque recoin. En option, nous y avons rajouté un compresseur pour pouvoir dégonfler et regonfler les pneus, plaques de désensablage et deux pelles.

Bref, nous sommes parés pour aller où bon nous semble, pourvu qu’un bout de piste nous y amène.

 

 

 

 

En réalité, nous n’avions aucun programme défini, mais uniquement quelques lignes directrices. Prévisions météo, pistes infranchissables, humeur du moment nous ont fait changer parfois d’itinéraire.

Afin de vous donner un aperçu de notre boucle Anchorage-Anchorage, avec les endroits où nous avons passé la nuit, une petite carte sans prétention.

 

 

 

L’Alaska est terre infinie, où le regard divague vers des horizons à peine dessinés. Ce même regard qui s’accroche sur le tapis nuancé d’une forêt sans fin pour mieux rebondir sur la cuvette d’un lac au noir profond ou sur un marécage aux couleurs qui déjà annoncent l’automne précoce.

L’Alaska est terre de néant où vos pas vous conduisent à la solitude et vos rêves à la contemplation.

L’Alaska est terre de défi où l’aventure vous tend les mains à chaque instant.

Laissons les images remplacer les mots…

 

 

 

 

Vous l’aurez compris : j’aime l’Alaska. Je pourrais en parler sans cesse, vous décrire chaque instant passé ici, mais je risque de manquer de mots. Alors je me contente de quelques annotations.

 

♦ Les pistes : Petersville Road, près de Talkeetna, et Stampede Road, près de Healy nous ont repoussés après quelques dizaines de kilomètres. Des ornières très profondes dans un terrain recouvert de boue et d’eau boueuse nous ont dissuadés de continuer l’aventure. Probablement notre goût du risque diminue avec l’âge…

Et nous étions si concentrés à éviter de nous embourber que nous avons oublié de filmer notre progression.

N’empêche que nous évolué dans des paysages splendides et que nous avons bivouaqué seuls dans une nature sauvage. Nos seuls compagnons théoriques ont été les ours. D’ailleurs Claude et Christine ne se sont jamais séparées de leur arme redoutable, le spray anti-ours.

 

 

 

 

Le Mount Mc Kinley est visible seulement une centaine de jours par an, parait-il. Ce matin-là, le vent a déchiré les nuages et soudainement il a fait son apparition, magique et fascinant du haut de ses 6000 et quelques mètres. Une nouveauté pour Claude et Louis. Un grand moment pour nous tous.

 

 

 

 

Mais n’allez pas croire que nous ne sommes pas parvenus au bout d’une piste. Nous avons vaincu le Red Rock Canyon Trail.

 

 

 

 

Sur un fond recouvert de cailloux, de claire origine volcanique, la piste s’enfonce dans la forêt qui nous enveloppe jusqu’au point de nous toucher, franchit un torrent assez impétueux, s’ouvre sur des pics déchiquetés où toutes les nuances du rouge s’expriment. Au bout d’une montée très sèche nécessitant d’enclencher les vitesses courtes, le regard s’épanouit sur la plaine gisant sous nos pieds. Un arc-en-ciel se pointe.

 

 

 

 

♦ Le parc national de Denali : à mes yeux, il a perdu beaucoup de son attrait magique depuis que la route le sillonnant est fermée à la circulation, sous la pression de la fréquentation. Plus moyen de s’arrêter où bon vous semble pour apprécier une variété de paysages à couper le souffle ou profiter d’un rendez-vous avec un grizzly ou une horde de caribous. Plus question non plus de parquer votre véhicule et de vous en éloigner de quelques centaines de mètres jusqu’au petit lac habité par les castors. Sauf à gagner une loterie qui permet à quelques chanceux de faire comme jadis…

Aujourd’hui, il est uniquement possible de prendre place sur un bus plein à craquer qui parcourt la route du parc. Franchement sans grand intérêt. Ou alors de parcourir les immensités des lieux à pieds, sac à dos et tente sur le dos. Au-delà des nos capacités actuelles.

Mais il reste un lieu mythique par la présence de son seigneur et maître, le Mount Mc Kinley ou Denali et la présence d’une faune particulièrement abondante.

Nous voilà en train de rouler au pas sur la vingtaine de kilomètres encore accessibles depuis l’entrée du parc. Avec un peu de chance, il est encore possible de faire une rencontre intéressante.  C’est un jour chanceux !

 

 

 

 

Cela dit, les paysages sont d’une saisissante beauté, même dans la partie inférieure du parc et même si Sieur Denali s’est retiré dans ses appartements.

 

 

 

 

♦ La Denaly Highway : de Cantwell à Paxson, cette route longue de 215 kilomètres, ou mieux cette piste car 3/4 du trajet ne sont pas goudronnés, est un véritable résumé de l’Alaska. Toutes les facettes de ce pays à l’extraordinaire beauté sont là, à la portée de votre regard ébahi.

 

 

A une condition. Qu’il y fasse beau ! Or, nous avons eu le soleil sur les premiers 15 kilomètres,  juste le temps de nous rappeler que nous étions sur une des plus belles routes qu’il m’a été donné de parcourir. Même le Denali nous faisait un clin d’oeil à l’horizon.

 

 

 

 

Le lendemain, le ciel était gris, très gris. Il ne promettait rien de bon et il n’a pas mis longtemps pour maintenir ses promesses. La pluie nous a accompagnés toute la journée. Le moral au plus bas, nous avons abandonnél’idée de bivouaquer et nous nous sommes réfugiés dans un lodge…

 

 

 

 

Il faudra revenir !

 

♦La Nabesna Road : l’une des deux seules pistes qui permet de pénétrer dans le parc national Wrangell-St-Elias, un immense territoire recouvert de glaciers et de vallées sauvages, vierge de toute infrastructure touristique, réservé aux courageux qui osent s’y aventurer à pieds.

 

 

Le soleil essaye de se franchir un passage entre les nuages lorsque nous nous mettons en route sur la Glenn Highway pour rejoindre Slana et notre but du jour. Les glaciers pointent timidement à l’horizon. De belles rencontres ralentissent notre progression.

 

 

 

 

Nous voilà enfin. Nous attendons beaucoup de cette route. Solitude dans une nature intacte, paysages et rencontre avec des animaux.

Nous n’avons parcouru que quelques kilomètres et voila que plusieurs pygargues à tête blanche jouent avec nos nerfs. A une dizaine de mètres, adultes et immatures se posent au sommet des arbres, s’envolent pour mieux revenir, sans toutefois jamais quitter un violent contre-jour.

Pas l’idéal pour la photo, mais magnifique pour les yeux.

 

 

 

 

La forêt nous entoure. Lorsqu’elle s’ouvre, trop rarement, nous renouons avec la splendeur des paysages d’Alaska. Mais le parc Wrangell-St-Elias ne se livre pas si facilement. De nombreux lacs nous ont font un clin d’oeil pour mieux se cacher, inatteignables derrière leur écrin de végétation. Il y a bien de nombreux sentiers qui quittent la route, mais ils sont longs et difficiles…

 

 

 

 

Nous avons beau scruter les plaines et les montagnes, nous n’apercevons ni ours ni caribous… La Nabesna Road se termine après une nonantaine de kilomètres, en nous laissant un petit goût d’inachevé. Une jolie route, mais nous avons connu bien mieux.

J’avais rêvé de camper au bord de l’eau, perdu dans l’immensité de la nature d’Alaska, en compagnie peut-être d’un ou plusieurs animaux du parc. Impossible de quitter la route…

Le terrain de camping est néanmoins sur la rive d’un lac qui nous offre une courte promenade dans la lumière romantique  de la nuit qui tombe.

 

 

 

♦ Au sud d’Anchorage : voilà une région que nous n’avions pas du tout imaginé  visiter cette année. Les expériences sur des pistes plus faciles que celles que nous pensions  parcourir nous a poussés à changer complètement de programme.

 

 

 

La péninsule de Kenai est sûrement, avec le parc national de Denali, l’endroit le plus touristique d’Alaska. Ses deux villes principales, Homer et Seward n’ont pas d’attrait particulier, mais elles servent de bases à l’exploration de régions particulièrement sauvages, à la rencontre de grizzlys et faune marine, le tout à des tarifs conséquents, il en va sans dire.

Malgré la présence plus marquée de touristes, la magie de l’Alaska perdure. Il suffit de s’arrêter dans une crique, emprunter une piste ou vous perdre dans la forêt d’une ancienne route pour vous sentir seuls dans l’immensité.

Mais nous n’ y sommes pas encore. Il faut d’abord parcourir la Glenn Highway, un large ruban d’asphalte qui traverse néanmoins des paysages de rêve. Nous l’avons déjà empruntée à plusieurs reprises, mais elle reste fascinante.

 

 

 

Nous les avons cherchés là où il n’y avait personne, mais c’est au bord d’une large route asphaltée que nous croisons nos premiers animaux sauvages !

 

 

 

 

Pas question de foncer sur Anchorage. Un petit détour s’impose. Hatcher Pass Road, que nous ne connaissons pas, nous attire. Une belle route qui nous ramène chez nous, dans des paysages alpins, inhabituelle en Alaska. Mais toujours pas d’ours. Pourtant ils vivent ici.

Les arbres disparaissent rapidement pour laisser la place à la nudité de la montagne. Nous ne pouvons bivouaquer que sur une large esplanade asphaltée. Pas très intime, mais original…

 

 

A défaut de plantigrades, voici les oiseaux de Potter Marsh, un vaste marécage en bord de mer.  Ils marquent notre entrée dans la péninsule de Kenai.

 

 

 

 

La présence de la mer change totalement les paysages. Pendant une soixantaine de kilomètres nous suivons le Turnagain Arm, superbe bras de mer que le mascaret remonte deux fois par jour à une vitesse impressionnante. Pour l’admirer, nous n’hésiterons pas à nous réveiller à 0530 heures, en pleine nuit !

La Seward Highway, puis la Sterling Highway qui nous mènent vers Homer se faufilent dans la forêt, traversent rarement quelques bourgs, s’ouvrent sur des coups d’oeil somptueux, permettent quelques belles rencontres. Mais elles sont trop lisses pour assouvir ma soif d’aventure.

 

 

 

 

Alors, nous profitons de chaque occasion pour les quitter. Comme en empruntant cette piste à peine dessinée sur la carte.

 

 

Pendant des kilomètres elle s’enfonce dans la forêt. La végétation nous serre de près. Christine est un peu inquiète… Nous sommes en territoires d’ours. Un magnifique lac et un somptueux pique-nique sont notre récompense.

 

 

Pas d’ours. Un chasseur solitaire nous confirme n’avoir vu que des traces.

Ou alors, en parcourant l’ancienne Sterling Highway, devenue piste non entretenue. Les traces d’un gigantesque incendie sont encore très visibles. A travers les troncs calcinés des arbres, le regard se perd dans des paysages sans fin. Mais, tantôt à pieds, jusqu’à la Kenai River, tantôt les yeux collés aux jumelles, nous ne verrons aucun animal.

Nous sommes en Alaska et on ne s’ennuie jamais, même lorsque nous roulons sur un large ruban goudronné, assez fréquenté d’ailleurs. Johnson Lake, un charmant lac déniché pour notre bivouac journalier, une crique cachée à Ninilchik et sa  plage  peuplée d’oiseaux marins, dominée par le Mont Redoubt,volcan actif dont la dernière éruption remonte à 2009.

 

 

 

 

Homer peut se réjouir  d’un cadre naturel splendide, entouré de glaciers en bordure de mer. C’est son seul attrait. L’étroit doigt de terre qui s’enfonce dans la baie de Kachemak pourrait en être un autre. Mais la multitude de maisonnettes offrant un service touristique et des centaines de voitures garées partout gâchent le spectacle.

 

 

 

 

Comme partout en Alaska, la pandémie a fait des ravages. Hôtels fonctionnant au ralenti par manque de personnel, restaurants et magasins fermés. C’est flagrant, même pour l’observateur inattentif.

Fuyons, il est temps de revenir sur Anchorage.

La pluie nous pousse à changer encore une fois de programme. Nous faisons un détour jusqu’à Seward au lieu d’explorer les plages du Cook Inlet. Une morne journée qui nous ne laissera pas des souvenirs impérissables…

 

Notre dernier rendez-vous est Portage Glacier.

 

 

 

 

Ici, il y a dix ans, revenant de Whittier sous une pluie battante, nous nous étions arrêtés boire un whisky pour nous remonter le moral. Nous ne pouvions pas faire autrement que célébrer ce moment.

Une façon sympathique de terminer notre aventure…