UN DÉSERT QUI VIT

Beaufort West, la petite ville sans charme qui nous accueille depuis hier soir est derrière nous. Les portes du Karoo National Park s’ouvrent, la route monte entre collines parsemées de ces buissons rachitiques si typiques des déserts africains. Quelques virages rapidement avalés et nous quittons l’asphalte. Des volutes de poussière s’échappent de nos pneus. Il n’a pas plu depuis belle lurette ici.

Mais déjà le charme opère. Un oryx sur une crête, une femelle de kudu derrière un virage…

       
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Les antilopes abondent ici. Nous venons d’apercevoir un autre kudu, un mâle cette fois-ci. Rusés, nous nous arrêtons derrière un gros rocher. Il finira bien par arriver.

Mais voilà qu’il joue à cache-cache avec nous. Il s’approche, pour mieux s’éloigner un instant après, suivant sans doute les quelques brins d’herbe qu’il parvient à dénicher ou goûtant à une rare feuille pendouillant encore entre les épines des acacias. Toutefois, notre patience aura sa récompense. Le voilà passer près de nous, dans toute sa splendeur. Ses cornes majestueuses obscurcissent un instant les écrans de nos appareils, le temps qu’il nous jette un regard amusé. Mais déjà, il s’en va … suivi d’un congénère plus jeune mais aussi beau que lui.

 

       
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Nous parcourons un vaste plateau semi-désertique qui semble s’étendre sans fin, s’il n’y avait pas, à l’horizon, les silhouettes de montagnes qui se découpent dans l’infini. Nous pourrions nous croire dans le Far-West américain… Je me surprend à chercher la bande de Peaux-rouges attaquant une diligence. Mais, non, Rudy, nous sommes en Afrique !

 

       
 

Nous laissons nos regards planer sur ces images désertes qui se détachent d’un ciel sans nuages. Le soleil brille là-haut. Ses rayons sucent les dernières gouttelettes d’eau cachées sous les pierres. L’air qui vibre rompt parfois le silence.

Un autre regard veille, là haut sur un colline. Celui d’une mère soucieuse de son zébreau. Elle observe ces drôles d’animaux qui peuplent son univers…

   

               

Un long moment s’écoule. Elle décide finalement que nous ne sommes pas des prédateurs déguisés en voiture. Elle amène son petit et ses autres compagnons sur des chemins qu’elle seule connaît. Tout le troupeau défile devant nous. Moment sublime.

                 

Le temps passe. Karoo NP est un endroit surprenant, captivant. Une vraie découverte. Nous avançons à notre rythme avec l’impression d’organiser notre propre safari. Une gazelle de Thompson, un éland, un groupe de babouins. Nous voilà à nouveau arrêtés, attendant patiemment qu’ils s’intéressent à nous.

 

Intéressés, vraiment ?

   

       
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En 2010, les responsables du parc ont introduit une vingtaine de lions, dans le but de réglementer naturellement la faune présente sur le territoire. Ils en sont très fiers. A l’entrée du parc, un tableau indique où ils ont été aperçus dernièrement, en précisant qu’il est absolument interdit de quitter la voiture. Pourtant, nous avons déjà croisé plusieurs points d’observation sis à quelques centaines de mètres de la route. Va savoir… les lions sont certainement au courant qu’ils ne peuvent pas fréquenter ces lieux.

Quelques arbres annoncent la seule aire de piquenique du parc. Il était temps, nos estomacs grondent depuis belle lurette. Les nombreuses tables, espacées à souhait sont accueillantes et entourées d’une clôture métallique très rassurante.

Une sorte d’écureuil local nous tient compagnie, s’emparant avec une rapidité foudroyante des quelques miettes de notre repas. Les oiseaux abondent. Eux aussi réclament leur pitance. Bref, nous sommes gâtés. Mais il est temps de repartir. A propos, comment quitter l’enclos si les lions étaient arrivés ?

Nous n’aurons pas de réponse. Ils ne sont pas là. Allons donc les chercher.

Pour cela, il nous faudra emprunter l’une ou l’autre des nombreuses pistes 4×4 qui sillonnent le parc, véritable appel à l’aventure. Mes mains me démangent, mon pied droit frétille. Mais, généreux, je cède le volant à Christian. Au premier soubresaut, petit je vous l’assure, nos deux passagères s’inquiètent.

-Voulez-vous vraiment prendre cette piste ?- s’exclame Sophie.

-Je vous rappelle que notre voiture n’est pas un 4×4- précise Christine.

Comme si nous ne la savions pas… Mais la hauteur de caisse du For Runner est importante. Il suffit de rouler avec un peu d’attention. Le principal problème est celui des ronces qui barrent parfois le chemin. Elles pourraient rayer la carrosserie. Christian s’en sort comme un chef. Vous aviez des doutes ?

Sophie et Christine sont vite rassurées…

Le paysage est splendide. Nous avançons dans une lande fascinante de désolation. Le vide s’étale devant nous, interrompu parfois par quelques piquets perdus dans le néant, indiquant le nom des pistes. Il y a bien une montagne devant nous, là-bas à l’horizon, mais nous avançons, nous avançons et elle s’éloigne…

Les lions ne sont pas là. Et pourquoi diable devraient-ils traîner dans le coin ? Il n’y pas âme qui vive. Rien à manger. A l’exception peut-être de celui qui écrit, descendu de voiture le temps d’une photo, vite rappelé à l’ordre par une passagère.

Et puis, la magie s’arrête. Tous d’abord quelques broussailles, puis une cabane dont on se demande qu’est-ce qu’elle fait là et enfin une végétation plus dense, les premiers contreforts des montagnes.

 

   
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La boucle est bouclée. Nous sommes revenus sur nos pas. Il est temps de s’en aller.

Dommage. Le parc nous a envoûtés. Il aurait mérité un séjour bien plus long. Peut-être dans un autre voyage…