UNE CABANE EN ALASKA

Certes, j’en conviens avec vous, Haines est un peu trop loin pour des week-ends prolongés, mais celui qui aime ne compte pas, n’est-ce-pas ?

 

 

 

Et nous aimons Haines. Nous voulions absolument y retourner.

 

 

 

Petite ville sise à la confluence de deux bras de mer, le Chilkat et le Chilkoot Inlet, Haines est connue pour les milliers de pygargues à tête blanches qui s’y rassemblent au mois de novembre. Elle n’est pas facile à atteindre. Par la route depuis le Canada ou par bateau ou avion depuis Juneau.

Cela tombe bien. En ce samedi 3 septembre, nous sommes à Juneau, où nous admirons l’imposant Mendenhall Glacier, en attendant d’embarquer sur le ferry qui nous conduira à Haines.

 

 

 

 

Quatre heures et quelques en mer : nous arrivons à Haines pour vivre avec les ours !

A peine débarqués, nous avons tous hâte de rejoindre notre cabane. Tous sauf Louis. Il tient le volant de voiture. Il est donc seul maître à bord. Il nous conduit sur la route du Chilkoot Lake, où nous avions rencontrés des grizzlys il y quatre ans. Et il a raison !

 

 

 

 

Une maman avec ses trois rejetons fouillent les herbes de la baie à la recherche de nul sait quelle gourmandise. Ils sont à une quinzaine de mètres à tout casser et nous nous tenons prudemment très près de la voiture. Inutile, car ils ne s’intéressent nullement à notre présence.

Nous ne sommes là que depuis 15 minutes !

Entre juillet et septembre, une passerelle est installée sur la Chilkoot River. Elle sert à décompter les saumons remontant la rivière. Cela est parvenu à l’oreille de grizzlys qui ne se privent pas d’y venir, sortant de la forêt avoisinante, pour se remplir la panse.

Nous ne résistons pas à l’idée d’y faire un saut. Les ours sont ailleurs. Il est temps d’apprécier le confort de notre cabane.

Le lendemain, je me lève à 0500 heures. Mes compagnons d’aventure préfèrent leur lit douillet. A côté de la passerelle, une maman ourse avec deux petits est en chasse. De l’autre côté de la rivière, une autre ourse avec ses trois fistons fait la même chose. Il fait trop sombre pour la vidéo, mais le spectacle est fascinant. Je suis à quelques mètres d’un fauve accompagné de ses petits, une situation que tous les experts jugent dangereuse. Et pourtant, je ne ressens aucune peur. La présence de trois autres passionnés me rassure peut-être.

Retour au nid pour le petit-déjeuner, puis nous allons sur place, tous les quatre cette fois-ci. Les ours sont toujours là. Les mamans attrapent un saumon, en mangent un filet, puis l’abandonnent dans l’eau pour que les petits puissent apprendre à le sortir pour se nourrir. Un apprentissage de la chasse qui doit être ancestral.

Parfois, magnanimes, elles quittent la passerelle et abandonnent leur proie sur la berge.

 

 

 

 

En fait, nous apprendrons par la suite que la maman avec trois oursons est âgée de 10 ans et qu’il s’agit de la portée de l’année précédente. C’est certainement celle que nous avons vu hier. L’autre ourse n’a que 7 ans. C’est sa première expérience maternelle.

Bref, pendant les cinq jours de notre séjour, nous retournerons sur place tous les jours, le matin et en fin d’après-midi. Parfois nous serons seuls, parfois en compagnie de quelques passionnés et quelques fois au milieu d’une foule provenant des bateaux de croisière qui ont malheureusement découvert Haines. Et aussi des visiteurs provenant du camping sis en amont, au bord du lac, ce qui provoque des sacrés embouteillages, bien qu’il soit interdit de s’arrêter en voiture sur la route…

 

 

 

 

Maman ourse et ses deux petits se sont approprié la route d’accès au lac. Elle traverse leur territoire, entre forêt et rivière. Ils l’utilisent pour quitter leur repaire et aller pêcher dans la rivière.

 

 

 

 

C’est la seule route d’accès. Elle dispose de deux zones de parc aux environs de la passerelle et vous devez quitter votre voiture pour espérer voir les ours dans leur activité journalière. Ce qui implique le respect de quelques règles de sécurité minimales : prêter une attention soutenue aux chemins sortant de la forêt, ne pas surprendre les ours, éviter de leur bloquer la route, s’éloigner d’eux lorsqu’ils viennent vers vous, sans courir et sans leur tourner le dos, garder une distance raisonnable.

Tout se passe bien lorsque nous sommes seuls ou peux nombreux. Cela devient presque un jeu, même si potentiellement il reste un jeu dangereux.

Lorsqu’y a foule, nous avons assisté à des scènes d’apocalypse, telle que cette dame complètement paniquée qui est restée immobile lorsque les ours se sont approchés d’elle, malgré les appels répétés de Claude et Christine qui lui demandaient de reculer. La maman est passée à cinq mètres d’elle. Plusieurs personnes étaient munies de spray anti-ours dont l’utilisation dans des telles conditions aurait probablement provoqué un carnage…

Heureusement pour eux, les ours étaient plus raisonnables. Une attaque aurait inévitablement provoqué leur élimination. A se demander s’il ne le savent pas… Mais je n’ai jamais décerné un quelconque signe d’agressivité. En cas de rencontre très rapprochée, les oursons, l’inquiétude dans le regard, se limitaient à accélérer le pas, l’adulte à fixer les intrus.

Mais revenons au spectacle. Impossible de décrocher. Chaque scène est différente. Ces plongeons des adultes dans l’eau de la rivière, leur dépit lorsqu’ils en ressortent bredouilles, les facéties des oursons qui n’aiment pas l’eau, mais doivent y aller pour suivre leur mère. C’est absolument captivant et envoûtant.

 

 

 

 

Un matin tôt, avec Christine, à l’aube…

 

 

 

 

… et quelques minutes plus tard, lorsque deux mâles font une fugace apparition.

 

 

 

 

Nous avons eu beaucoup de chance, selon une habitante du coin, car en cette période de l’année, les mâles se tiennent ailleurs. Ils ne sont pas les bienvenus lorsque les femelles s’occupent de leurs petits.

La même chance qu a eu Louis lorsqu’un autre mâle a dévalé la pente de la forêt tel un boulet de canon, est passé à deux mètres sans s’intéresser à lui pour se lancer dans la rivière qu’il a traversée à la poursuite de la femelle avec deux oursons. Pour quel motif ? Seul l’ours le sait.

Il lui a fallu un moment pour se remettre…

Les deux groupes d’oursons sont très différents. Par leur taille, tout d’abord. Les plus vieux ont déjà l’aspect de l’ours adulte. Seul leur regard est celui d’un enfant. Par leur comportement également. Bien que dépendant toujours de maman, ils font preuve d’autonomie. L’un d’eux s’écarte d’ailleurs souvent de ses frères ou soeurs pour partir à l’aventure.

 

 

 

 

 

Les plus jeunes sont beaucoup plus timorés. S’ils quittent leur maman, c’est pour mieux y revenir quelques instants après. Ils cherchent à se nourrir, certes, mais comme tous les enfants le jeu est encore plus important. Ils sont drôles et amusants. Parfois, ils sautent d’un rocher à l’autre, glissent et tombent à l’eau. Le courant les transporte jusqu’au prochain rocher salvateur.

 

 

 

 

Les mamans, quant à elles, c’est des professionnelles, dures à la tâche !

 

 

 

 

A contre-coeur, quittons nos ours. Tout au moins pour l’instant. Car il n’y a pas qu’eux à Haines !

Guettons l’envol des pygargues à tête blanche, qu’ils soit adultes ou immatures. Les premiers sont déjà là ou alors il peut s’agir de résidents.

En admirant cet oiseau majestueux, une idée commence à trotter dans ma tête. Si nous revenions au mois de novembre ?

 

 

 

 

En attendant que l’idée fasse son chemin, allons nous promener, dans les bois et sur la plage. Histoire de nous dégourdir les jambes.

 

 

 

 

Mais les ours se rappellent vite à nous… Notre cabane fait face au Chilkat Inlet, davantage rivière que bras de mer. Nous dégustons un apéro bien mérité, quand Christine bondit de sa chaise- Elle a vu un ours sur la plage. Nous attrapons   nos appareils et nous précipitons sur le balcon. Deux oursons se promènent au loin, sur la plage. Soudainement, quelque chose les fait fuir.  Ils galopent vers nous, leur maman les suivant à quelques encablures.  Tous les trois  Dans la lumière du soir, c’est splendide.

 

 

 

 

Des nouveaux venus. Non seulement ils sont à une vingtaine de kilomètres de l’autre bras de mer, mais la maman, contrairement aux deux autres ne porte aucune marque de reconnaissance.

Nous ignorons ce qui les a mis en fuite. Mais le lendemain matin, ils étaient de nouveau sur la plage.

 

 

 

 

Avec eux, nous en sommes à quatorze grizzlys différents. Pas mal, n’est-ce-pas ?

Mails il désormais temps de plier bagages, de fermer la porte et de revenir à des paysages et animaux de chez nous.

Au fait, une dernière question. Auriez-vous aimé être à la place de la corneille ?