Un, deux, trois…trente-deux ! Non, ce n’est pas un troupeau de gazelles, mais le nombre de piqûres sur ma jambe droite. Découragé, je renonce à compter celles de l’autre. Michel qui m’avait assuré qu’il n’y avait pas de moustiques à Magadi, me rétorque froidement qu’il parlait de l’endroit où nous aurions dû dormir. Il devra se faire pardonner !
C’est tôt, comme d’habitude, mais il fait déjà chaud. Magadi est situé à environ 600 mètres d’altitude, 500 de moins qu’Amboseli. Cela laisse présager l’une de ces journées que nous n’aimons guère, mais la chaleur ne nous empêchera de partir à l’aventure.
La route barrée par l’eau nous oblige à faire demi-tour. Nous traversons la ville de Magadi qui est encore endormie. Elle a été construite uniquement pour exploiter le natron. Nous pourrions croire être revenus à l’époque de la revolution industrielle : grands bâtiments tous identiques et sinistres, numérotés et parfaitement alignés, véritables cages à poules. Nous fuyons.
Nous entreprenons de contourner le lac. Le décor change et se fait splendide. Les rivages se colorent de gris et de rouge ave le miroir des eaux, enfin libres, en toile de fond. Le contraste avec les collines verdoyantes qui nous entourent est saisissant. Les flamants, attirés par les algues du lac, sont présents à chaque crique.
Le lac est alimenté par une série de sources chaudes d’origine volcaniques. Michel nous conduit à l’une d’elles. Il ne le sait pas encore, mais il a trouvé le moyen de se faire pardonner. L’eau qui jaillit du sol à une température d’environ 45 degrés a une forte concentration saline. Samy et moi-même nous y plongeons résolument, Motoron nous suit, plus réticent. Après moult grimaces (c’est très chaud) et quelques facéties, mes jambes (et le reste) sont recouvertes d’une pellicule de sel qui calme immédiatement mes démangeaisons.
Nous cuisons sous le soleil. Nous quittons les pistes sillonnant les bord du lac pour chercher un brin d’ombre dans les collines avoisinantes. Les herbes sont très hautes et cachent la piste. Plusieurs fois Samy, qui ouvre la marche, doit demander conseil aux Masaï qui semblent surgir de nulle part. Ils sont éparpillés sur tout le plateau, parfois regroupés dans ce qu’on peut définir un embryon de village, parfois isolés dans leur hutte de boue et de bouse de vache toujours entourée d’une clotûre épineuse, signe évident de la présence de prédateurs que nous ne parvenons pas à découvrir.
Si Amboseli était le royaume des éléphants, ici c’est celui de girafes qui circulent en troupeaux entiers. Lorsque nous parvenons à les approcher, il suffit de rester tranquille et leur curiosité fait le reste. Malheureusement, la lumière n’est pas extraordinaire.
Un bosquet d’acacias nous offre un abri pour le déjeuner. Il fait 36 degrés à l’ombre. Comme toujours avec Michel, nous patienterons jusqu’à 1500 heures pour nous remettre en chasse. Comme les animaux, il pique son roupillon dans sa tente de toit pendant que nous errons comme des âmes en peine pour trouver une ombre salvatrice.
Mais l’après-midi se déroule sans que nous voyons grande-chose, dans des paysages qui évoquent en nous la brousse australienne, termitières comprises. Il est désormais temps de rejoindre le lieux où nous aurions dû passer la nuit hier soir. La piste se fraie un chemin entre les pierres de lave : fortes montées, descentes vertigineuses, vitesses courtes enclenchées, un vrai manuel de la conduite tout-terrain. Nous parvenons à un petit plateau qui domine le lac Magadi, entre deux gorges où s’engouffre un petit vent presque frais. C’est magnifique et très romantique.
La route qui traverse le lac est toujours engloutie par les eaux…