LIONS !

♦ 1er juin 2013

 

Les herbivores sont toujours là, en grand nombre. Parmi eux, rôdent les hyènes, très nombreuses dans cette partie du parc. Malgré quelques alertes, nous ne verrons pas d’attaque réussie, mais uniquement des grands galops de gazelles se mettant à distance de sécurité. Les hyènes ont une réputation de charognard. En réalité elles sont aussi d’excellents chasseurs. Mais pourquoi se fatiguer, lorsque d’autres font le travail à votre place ?

Bien que l’on nous ait signalé la présence de guépards dans le coin, nous n’en verrons pas. Ce n’est pas faute d’avoir utilisé nos jumelles. Nous découvrons par contre deux lionnes avec deux lionceaux. Cachés dans les herbes, il y en a certainement d’autres, peut-être de très jeunes , car une des lionnes est très nerveuse.

Tout ce monde disparaît assez rapidement, mais ce n’est que partie remise. Deux magnifiques mâles et deux autres lionnes sont en route pour les rejoindre, avec de nombreuses haltes pour se désaltérer. Bien que nous en ayons désormais l’habitude, c’est toujours impressionnant de voir un mâle, 250 kilogrammes de muscles et quelques dizaines de grammes de crocs et de griffes, venir vers vous, faussement indifférent. À chaque fois qu’il vous croise, pendant un instant, son regard vide de toute expression, se pointe sur vous et un  petit frisson, venu de nulle part, se propage en vous.

   

 

Nous abandonnons la Mara Conservancy par la porte d’Olooloo, en quittant provisoirement le parc. Cela nous donne l’occasion d’une virée entre villages masaï. Il est facile de constater que ce peuple vit dans un monde à lui,  qui aura de plus en plus de la peine à s’intégrer à notre siècle. Les Masaï vivent de et pour leur bétail, fermés à toute autre forme de subsistance, avec leurs us et coutumes qui s’accordent mal avec la pensée de la civilisation moderne. Autrefois nomades, face à la spéculation sur les terres, ils ont tendance à se concentrer autour des parcs nationaux dont ils tirent des revenus importants, mais sur lesquels ils exercent de plus en plus une pression néfaste en raison de leur démographie importante et de leur bétail qui côtoie la faune sauvage. Leur présence serait l’une des causes de la diminution constante des animaux sauvages dans le parc, enregistrée ces dernières années. En tout cas, Michel est très pessimiste au sujet de la survie de Masaï Mara.

Il suffit d’ailleurs  d’observer Samy, un Kikuyu, ethnie majoritaire dans le pays, et Motoron pour voir qu’un fossé culturel les sépare. Pourtant, ils s’entendent comme des larrons en foire.

Mais revenons à nos animaux. Dès notre retour dans le parc, nous avons droit à l’un de ces moments sublimes qui tant nous fascinent et qui nous ont fait tomber amoureux de la faune africaine. Couchées sur une termitière, trois lionnes semblent nous attendre.

Avec l’une de ces manœuvres dont il a le secret, Michel se rapproche de plus en plus. Il arrête sa voiture à côté de la termitière. Dans la lumière qui décline, le soleil s’étant couché, j’ai une lionne à moins de deux mètres de mon visage, collé à l’œilleton de la caméra, mes yeux à la hauteur des siens. Pendant que je savoure l’instant, Michel parle aux lionnes, des mots tendres que je n’oublierai jamais. Ces quelques minutes d’intimité absolue avec un fauve resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Mais déjà des lionceaux sortent comme par enchantement des buissons avoisinants. Plus loin, une ombre, puis une silhouette. Le roi de la savane s’approche et la famille se reconstitue et se déplace lentement.

Le mâle à un œil très abîmé. Il  est même peut-être borgne. (allez  le lui demander). C’est le résultat d’une dure bataille avec Noche et ses cinq fils, combat gagné. La « Marsh Pride » est la seule troupe de lions qui a su résister à six lions mâles qui arpentent le Masaï Mara, chassant ou tuant tout mâle qui leur fait face . Cela pose d’ailleurs un sérieux problème de consanguinité dans la réserve, car la majorité des lionceaux sont issus de ce groupe que, malheureusement, nous n’avons jamais pu voir.

 

   

Crocodile Camp n’est qu’à quelques centaines de mètres. C’est vraiment le vent qui pousse Samy et Motoron à demander à Michel de déplacer nos véhicules un peu plus loin ?