MALA MALA

♦ 8 juin 2013

 

Un petit avion nous amène à l’aéroport de Nelspruit, près du parc Kruger. Un minibus nous attend pour nous conduire à Mala Mala. Deux heures de route à travers des paysages que nous connaissons, Christine et moi, pour les avoir parcourus il y sept ans. En ressemblant nos souvenirs, il nous semble de constater que la région a bénéficié d’un important essor économique, symbolisé par la disparition des huttes au bénéfice de petites maisons en dur qui poussent un peu partout.

Si vous voulez profiter de la faune extraordinaire du parc Kruger, il faut vous rendre dans l’une des réserves privées qui longent ses frontières, bien que cela soit plus onéreux. Il s’agit de concessions privées où les guides, très compétents et bien formés, suivent les traces des animaux et les animaux mêmes jusqu’ aux endroits où un tout terrain ne peut plus passer, sans aucune contrainte ou interdiction.

Mala Mala est l’une des plus connues. Pour nous, il s’agit d’un grand souvenir, car nous y avions terminé notre premier voyage en Afrique. Elle a peu changé.

Main Camp, où nous avions logé, avec sa vingtaine de suites et de chambres, est toujours là. On y a juste ajouté Sable Camp, où nous nous installerons cette année,  qui compte cinq suites et bénéficie de salons et de salle à manger privés, pour une capacité maximale de douze hôtes. Rattray’s Camp, plus exclusif encore, complète la panoplie.

À peine installés dans nos bungalows en dur qui disposent de tout ce dont nous avons besoin et même davantage, nous faisons connaissance avec notre guide, Matthew, un beau jeune homme (n’est-ce pas Delphine ?) qui déborde d’enthousiasme. C’est sa troisième année à Mala Mala.

Dur métier que le sien. Non seulement il sera notre guide et chauffeur, du matin au soir, mais il nous accompagnera dans tous nos repas et pauses au coin du feu, jusqu’au moment où nous déciderons d’aller dormir…

Il est 1500 heures et nous partons à la découverte d’une autre Afrique. Ici, il n’y a pas de plaines herbeuses à perte de vue, de douces collines à l’horizon, mais un terrain plus accidenté recouvert d’acacias, buissons et arbustes. Les animaux ne se montrent pas facilement. Il faut les dénicher. Pour cela, nous comptons sur Matthew.

     

 

Et voilà que, lui aussi, il tombe dans le syndrome du guide qui veut faire durer le suspense. Il roule à droite et à gauche dans les fourrés, il communique par radio avec ses quelques collègues, il s’engage sur une piste pour faire demi-tour et repartir dans l’autre sens. Bref, il cherche, mais il se garde bien de nous donner des explications. Je dois admettre qu’il m’agace un peu.

Pendant un instant, Christine a vu quelque chose filer comme un éclair dans la broussaille. Matthew lui demande une description. « Brun, avec des tâches, pas très grand » explique-t-elle. Je vois l’ombre d’un sourire sur les lèvres de notre guide. J’ai aussi compris : nous cherchons des lycaons.

Le premier déboule à toute vitesse devant nous. Il traverse la piste et disparaît. En voilà un deuxième. Il freine des quatre pattes pour ne pas emboutir la jeep, nous regarde, surpris et outré, puis disparaît à son tour. Ils sont cinq en tout et ils chassent. Nous les suivons avec difficulté dans les fourrés. De courtes visions, entrecoupées d’alertes « il est par là….non, il a fait demi-tour….à gauche, derrière le buisson ». Nous ne sommes pas les seuls à chercher, les lycaons aussi traquent leur proie. Nous les voyons faire des bonds, se dresser sur leur pattes pour essayer de la repérer.

 

     

La patte de lapin a fonctionné une nouvelle fois. Les lycaons sont des animaux rares, difficiles à voir. Si l’on croit aux statistiques, leur nombre diminue régulièrement, à cause certes des maladies, mais aussi du fait qu’ils sont en concurrence avec des prédateurs bien plus puissants qu’eux. Ceux-ci ne perdent pas une occasion de se débarrasser de cet excellent chasseur, le meilleur. Il tue sa proie dans le 70% des cas. Il la suit, il l’épuise et la meute complète l’œuvre. Son seul salut est de se cacher et d’espérer ne pas être repérée à nouveau.

Il est déjà 1800 heures. La nuit est tombée, soudaine. Pas question de rentrer. Ici, lorsque la lumière s’éteint, on continue la chasse. Nous nous retrouvons rapidement arrêtés au milieu d’une troupe de lionnes et lionceaux. Seul un petit projecteur, manié avec parcimonie par Matthew, éclaire la scène. C’est une expérience fascinante. Je me rappelle de notre première fois, ici-même. Je ne cessais pas de scruter la nuit, prenant chaque ombre pour un lion menaçant. Il m’a fallu plusieurs expériences pour savourer pleinement ces moments extraordinaires. J’ignore ce que ressentent nos amis, mais je parie qu’ils ne sont pas loin d’éprouver mes premières sensations.

Les lions, y compris un mâle qui porte les signes d’une bataille récente, défilent à côté de nous. Toujours ce bref regard qui glace le sang, puis ils s’en vont. Nous aussi, pour tomber très fugacement sur un léopard qui s’éloigne dans la brousse, sûrement plus gêné par la présence des lions que par la nôtre.

Une entrée en matière fracassante. D’autant plus que, sur le chemin du retour, nous apercevons un rhino blanc, à moitié dissimulé par les buissons. Cela dure trente seconde, peut-être une minute, mais c’est LE rhino. Delphine, Françoise et Dominique ont eu leurs Big Five !