Nous venons de quitter le lodge et presque immédiatement, nous retrouvons nos lycaons. Ils sont beaucoup plus tranquilles et se laissent approcher relativement facilement. Le groupe est conduit, comme toujours, par une femelle. La nôtre est borgne. De temps en temps, elle s’arrête pour lancer des cris aigus et stridents. Elle cherche à retrouver le reste de la bande, huit autres lycaons d’après Matthew. Insouciants, les autres passent leur temps à jouer. Ils démarrent en trombe, ils se chamaillent, ils se poursuivent, ils s’arrêtent essoufflés. Une heure passe.
Puis, ils se dirigent vers la Sand River. Nous suivons. D’autres images, d’autres couleurs, d’autres sensations. Trois chiens s’arrêtent face à des fougères. Ils avancent prudemment, puis reculent, une, deux, trois fois. Nous nous attendons à voir surgir de la végétation le prédateur. En vain. Ils avaient seulement senti les odeurs d’un récent passage d’un léopard ou d’un lion.
Les voilà traversant la rivière. Ils nous quittent. Il est temps pour nous de nous mettre à la recherche du léopard. Matthew trouve des traces sur le sable de la piste. Il les suit, longuement, mais sans succès. La traque se poursuit pendant toute la matinée. En vain.
Il fait beau. Nous avoisinons les 30 degrés, comme au Masaï Mara. Une raison de plus d’apprécier l’ombre de notre terrasse, au lodge. Nous y prenons un excellent repas, tout en observant l’étrange manège de 4 mâles nyalas. Ils se défient en gonflant leur pelage et en bougeant au ralenti. C’est moins violent que d’autres combats, mais l’un après l’autre les prétendants aux femelles s’avouent vaincus face au plus âgé d’entre eux. Étrange et inhabituel ballet.
Nous sommes à nouveau à la poursuite du léopard. Cette satanée bestiole se montre plus rusée que nous, ce qui n’est guère difficile, mais aussi que Matthew. Il est tellement pris dans sa chasse qu’il en oublie le panier apéro qui est caché au fond de la jeep. Ce n’est pas bien grave.
Le ciel s’est couvert et le vent souffle, ce qui ne facilite aucunement l’observation des animaux qui ont tendance à se cacher dans leurs repaires. « Waterloo, Waterloo, morne plaine », pourrions-nous chanter. Il n’y pas grand- chose à se mettre sous la dent.
Enfin, pas tout à fait. Pour la plus grande satisfaction de Françoise, nous parvenons à approcher, non sans peine au vu de la configuration du terrain, un énorme rhino blanc. Il n’a malheureusement pas envie de s’agiter un peu. Il erre à la recherche d’un bon repas, en dégustant quelques feuilles ici et là. Il parvient même à quelques mètres de nous. Ses presque trois tonnes n’ont rien à envier à notre voiture. Lui aussi finira dans la corbeille de nos souvenirs photographiques.
Notre journée avait très bien commencé. Elle va finir en apothéose. La nuit est tombée. Nous approchons deux autres véhicules. Phares éteints, projecteurs rangés, seuls la lune et les étoiles nous permettent de voir des ombres furtives se déplacer dans les broussailles. Subitement, tout s’accélère. Les moteurs se remettent en marche, nous sprintons. Juste à temps pour voir une lionne terrasser un gnou solitaire, mais largement à l’heure pour assister à la mise à mort et à la curée qui s’ensuit.
Nous sommes à une quinzaine de mètres. La chasseuse reprend son souffle pendant que la troupe termine le travail. Le bruit du vent, qui souffle très fort, couvre à peine les cris plaintifs de la proie et les grognements des lions. Bientôt le sang apparaît sur leur museaux et les premières disputes éclatent pour obtenir la meilleure place. Les lions sont très sociables entre eux, mais il ne faut pas exagérer !
La violence de la scène ne m’empêche pas d’en être fasciné. Je me sens minuscule face à la puissance de la nature. Si je le pouvais, je resterais des heures avec ces lions.
Nous voulions des « kills ». Eh bien, mission accomplie.