Nous approchons de notre destination. Depuis de nombreux kilomètres, nous roulons dans une vaste plaine verdoyante où paissent les vaches à l’ombre des chênes-lièges. Difficile d’imaginer que nous sommes près d’un parc où règnent de nombreux rapaces.
Soudainement, comme souvent en Espagne, le paysage change. La route devient sinueuse, franchit une dépression. Une longue falaise se profile à l’horizon. Nous y sommes, c’est certain.
Un portail se dresse entre nous et notre logis des prochains trois jours. Il faut l’ouvrir et le refermer pour empêcher les cochons de s’enfuir. Ces même cochons qui nous barrent la route pendant quelques minutes. Ils sont bien plus sympathiques lorsqu’ils sont dans notre assiette…
El Palacio Viejo de las Corchuelas apparait au bout d’un bon kilomètre. Une dame de mon âge, Carmen, nous accueille chaleureusement. La maison respire le temps passé. Salons, meubles, argenterie, portes et fenêtres à deux battants, portraits de famille jaunis par le temps, nous ramènent au début d’un autre siècle.
Une ferme au milieu de nulle part, magnifique sous les derniers rayons de soleil. Nul doute qu’elle raconte l’histoire de plusieurs générations.
Nous avions cru avoir payé notre dîme à la pluie. Et bien, nous nous trompions. Le lendemain, un quart d’heure après notre entrée dans le parc, elle se manifeste et nous tiendra compagnie toute la journée.
Pas question d’emprunter l’un des sentiers de découverte. Voiture et rares points d’observation disposant d’un toit seront notre seul salut.
Ne parlons pas de la lumière. Nous avons dû faire des miracles…
*cliquez sur les photos
Il faut savoir tirer des avantages de l’adversité. La route qui traverse le parc offre plusieurs points d’observation. Certains ne sont que des esplanades, d’autres disposent d’un observatoire. Certains se prêtent à l’observation des oiseaux, d’autres à admirer le paysage. Nous avons pu les découvrir et faire notre choix pour demain, lorsque le soleil resplendira.
Pour combien de temps ? Les nuages n’ont pas complètement disparu. Ne tardons pas à rejoindre El Salto del Gitano, sûrement le point le plus connu du parc.
Il le mérite bien. Le Tage s’écoule en contrebas, entre falaises et pics rocheux. Ici ont élu domicile une bonne partie des vautours fauves de Monfragüe. Ils dorment sur la grande parois et, profitant des thermiques, planent dans l’air pour se poser un peu partout.
Ils sont des dizaines et des dizaines. Nos objectifs ne savent plus où se tourner. Autant cesser de photographier et profiter du spectacle. C’est époustouflant.
A propos, saviez-vous que les vautours peuvent tourner la tête à 180 degrés ?
Nous aimerions voir d’autres rapaces. Tentons notre chance à d’autres observatoires.
Notre premier vautour moine se dévoile sur un rocher du Mirador de la Tajadilla. Il est loin, ma sa taille est impressionnante. Il fait trois mètres d’envergure alaire, soit en moyenne cinquante centimètres en plus que le vautour fauve. Il est aussi beaucoup plus rare que son cousin. Notre deuxième, ou plutôt nos deuxièmes car ils sont deux, se tiennent à l’écart de la vingtaine de vautours fauves de la Portilla del Téjar, l’observatoire à l’autre bout du parc, tout à l’est. La pente herbeuses ne facilite pas la photographie.
Nous aurons plus de chance avec le troisième, au Mirador de la Serrana, tout au nord de Monfragüe, cette fois-ci.
Il faut admettre que son plumage, presque entièrement brun foncé, ne lui donne pas l’élégance du vautour fauve. Mais nous ne sommes pas dans un concours de beauté…
Pas d’aigles en vue. Revenons sur nos pas. Un court escalier, passablement raide, nous amène au Castillo de Monfragüe, les ruines d’une vieille forteresse d’origine arabe. La vue sur le parc est absolument splendide, mais nous n’avons encore rien vu. Les vautours fauves profitent de l’augmentation de la température de l’après-midi. Les thermiques n’ont guère de secrets pour eux.
Ils planent, en dessinant des cercles, sans cesse répétés, illuminés par le soleil, leurs ailes légèrement relevées, les rémiges écartées. Ils donnent une merveilleuse impression de légèreté et de liberté. Il est donc si facile de voler ?
Nos images n’arriverons jamais à restituer autant de beauté. C’est tout simplement magnifique, envoutant. Nous pourrions rester des heures et des heures à les regarder. Impossible de s’en lasser.
Mais le coucher du soleil approche. Avec lui s’achève notre séjour dans le parc.
Vraiment ? Nous devrions partir en direction d’Avila, la ville fortifiée. Mais elle peut attendre. Nous ne résistons pas à l’envie de retourner une dernière fois au Salto del Gitano.
Il fait beau, mais le brouillard peine à se lever. D’autres couleurs, d’autres images des vautours que la nébulosité rend fantômes éphémères et irréels.
Quelques oiseaux nous aident à patienter…
Le temps passe. Fascinés, nous peinons à partir. Nous avions juste besoin de quelqu’un qui nous indique la route.
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