Ce matin, le ciel est gris. Aurions-nous la pluie tant attendue ? Motoron, le météorologue de service, met fin à nos espoirs. En effet, le soleil perce rapidement les nuages. Ses rayons créent des lumières vives et saturées. Les caméras crépitent.
Nous quittons Amboseli en fin de matinée, sur la vision fugace d’un cobra egyptien qui se faufile et se cache dans un tas de bois mort. Michel cherche en vain de le débusquer. J’observe la scène à une double distance de sécurité. Christine est plus curieuse, voire inconsciente.
Magadi, le lac aux eaux rouges, nous attend.
La piste que nous suivons a été ravagée par les pluies du mois d’avril. Des ravins impressionnants défilent à nos côtés. Parfois nous avons juste la place pour passer, en espérant que le sol ne se dérobe pas sous nos pneus. Michel nous dépasse et nous fait une démonstration de conduite de 4×4 qui se termine avec une crevaison. Pourquoi crois-je de voir l’ombre d’un sourire sur le visage impassible de Samy ?
Nous atteignons la route asphaltée à une cinquantaine de kilomètres de Magadi. Il y encore trois semaines, la bourgade était inaccessible, car la route était sous l’eau. Trous et rochers, arbres déracinés sont là pour nous le rappeler, malgré le travail de nombreux « cantonniers » qui tentent de réparer les dégâts avec les moyens de bord.
Dante doit regretter de ne pas avoir vu Magadi avant d’imaginer son Enfer. L’usine d’extraction du natron nous accueille avec ses entrepôts, ses dragues et ses tapis roulants entourés de soude. L’air est saturé d’odeurs saumâtres. En temps de sécheresse, par effet de la vaporisation, le lac se transforme en une vaste croûte de cristaux qui se craquèlent en polygones rouge du plus bel effet. Aujourd’hui l’eau est encore là, figée dans une immobilité aux couleurs indéfinies, sorte de pataugeoire malodorante. Pourtant quelques oiseaux osent s’y aventurer…
Nous traversons ces eaux sur une digue étroite qui doit nous conduire au campement idyllique que Michel nous a promis. Bien qu’ayant appris à lui faire une confiance totale, nous avons de la peine à l’imaginer. Et la route disparaît soudainement sous l’eau. Impossible de passer. Mince. Et maintenant ?
Homme aux mille ressources, Michel ne perd pas son calme. Un petit tour dans la brousse et nous trouvons une colline bordée de quelques acacias pour nous installer. Nous sommes en territoire masaï. Nous connaissons leur sens du commerce. A peine descendus de la voiture, nous recevons la visite de leurs représentants qui viennent encaisser la « taxe de séjour » : quelques milliers de shellings.