FUSION AVEC LA NATURE

Kaingo. Dernier soir autour du feu. Un verre de whisky ou d’amarula à la main…

– Sandy, dis-nous, il t’est déjà arrivé de te faire attaquer par un fauve ? – demande quelqu’un, je ne sais plus qui.

-Ce n’est pas le moment d’en parler- répond notre guide.

La nuit a été courte, peuplée de mauvais rêves… Le jour ne s’est pas encore levé, mais nous sommes en mouvement dans la savane, accompagnés de Sandy et d’un ranger. Sa carabine n’est guère rassurante.

Mwamba, l’autre camp de Shenton Safaris est à trois heures de marche. Je dois avouer que je suis un peu tendu. Je scrute chaque arbre, j’épie chaque buisson et je guette le moindre bruit. Comme les gazelles, j’apprécie les plaines dégagées… Dix minutes, peut-être quinze, puis la routine s’installe.

En réalité, c’est un peu décevant. Quelques impalas qui fuient notre approche, beaucoup d’explications sur les traces et les habitudes des animaux.

     
   

Où sont les lions ou les léopards ? Juste un éléphant que Louis déniche au loin, à demi caché par les arbres, de l’autre côté d’un ravin. Il s’approche, lentement, mais Sandy donne le signal de départ. Un zèbre plus loin et nous sommes arrivés. Notre guide est visiblement soulagé. Il nous expliquera avoir été chargé par des éléphants et surtout avoir été attaqué par un groupe de lions lors d’une autre marche et ne pas avoir voulu nous en parler. Merci l’ami, nous avions compris…

 

Quatre chalets rustiques mais confortables immergés dans la savane, un bar et un mess en plein air. Tout autour, à quelques dizaines de mètres, parfois plus proches, les sentiers dessinés par la faune locale. Lendy et Craig, le jeune couple qui dirige le camp, débordent d’enthousiasme. Tout au long d’un délicieux repas, les histoires et les anecdotes fusent. L’ambiance est tellement bonnes que des invités nous rejoignent…

             

Mais, fini les mondanités. Retournons au travail. Sandy nous a promis d’autres animaux, que nous n’avons pas encore vu ou alors si peu… De toute évidence, il connaît son coin. Il tient parole.

 

   

Si Kaingo était l’excitation de la chasse, Mwamba est l’apaisement de la contemplation et de la méditation. Mêmes eux, ils sont d’accord.

       

Quant à moi, j’ouvre la porte qui donne sur un monde d’apaisement et de tranquillité. Mes pensées se confondent avec mes rêves… Un coup de frein me sort brusquement de cet état de torpeur virtuelle. Pendant quelques instants, je peine à comprendre, puis je reviens à la réalité. Le chou-chou de ces dames est là.

-Là-bas sur la branche de gauche du grand acacias- s’exclame Monique.

 

-Ah, oui. Mais je le vois mal. Sandy, peux tu avancer un peu ?- demande Claude.

 

– Pas trop. Recule. J’ai une branche devant moi- s’excite  Christine.

 

-Faites quelque chose, les garçons. Il ne s’envole pas- réclament toutes les trois…

   
           

Contemplation, disions-nous ?  A quelques pas de notre chalet, on accède, à travers une galerie de bambou à une hutte donnant sur un point d’eau. Eléphants et impalas viennent s’y abreuver. Mais surtout tous les oiseaux d’Afrique y jouent un ballet toujours différent. Les danses s’enchaînent, les décors varient sous le projecteur du soleil et les justaucorps changent de couleur.

           

Et n’essayez pas de quitter votre loge pour une douche méritée. Lui, il viendra vous rappeler que le spectacle continue.

   
Shadow
   

Isolés au milieu de la savane,  sur un arbre perché… Quoi ? Un aigle pêcheur ? Ou alors un couple de grand-ducs de Verraux ? Non. Christine et moi-même. On nous a installés à la tombée de la nuit. Une plateforme, un grand lit et une moustiquaire seront notre chambre à coucher.

Moments privilégiés. Nous tentons de percer les ténèbres qui nous entourent, aidés par la lune qui va et vient entre les rares nuages. Nous écoutons les bruits d’Afrique. Une hyène par là. Une autre qui lui répond. Un léopard, très loin. Et d’autres que nous ne connaissons pas. Nous comptons les étoiles lorsque le sommeil nous gagne, trop tôt…

           

La clarté du jour qui s’annonce nous réveille. Nous guettons le lever du soleil, aux pieds de notre arbre. Nous nous y sentons en sécurité. Les pintades qui nous entourent donneront bien l’alarme, le cas échéant. Déjà la jeep qui doit nous ramener au lodge s’annonce. Nous avons été les précurseurs. Cette nuit, Claude et Louis viendront prendre notre place. En guise de récompense à notre bravoure, deux lycaons partent en chasse devant nous, nimbés de la lumière rosée de l’aube…

         

Étrange sensation. Autant à Kaingo je ressentais l’excitation de la découverte, tous sens en alerte, autant ici j’éprouve une sensation de calme et d’harmonie avec la nature. L’accoutumance au rythme de vie africain ? La présence tranquille de la South Luangwa River dont les plaines sont parcourues par des dizaines de pukus et d’impalas aux couleurs chatoyantes ? La démarche chaloupée de cet éléphant qui nous traverse la route ? Je n’en sais rien. Il reste qu’il est très agréable de passer un moment au bord de l’eau, sous un arbre ou au détour d’un virage et d’attendre que quelque chose se passe.

           

Mais, pour une fois, nous revoilà reparti en chasse. Sandy tient à nous dénicher un éland. Nous n’avons pas osé lui dire que ce mastodonte dans le monde des gazelles n’est pas notre préféré et de loin. Ils sont rares par ici et particulièrement méfiants, paraît-il. Nous parcourons et reparcourons les plaines quand, soudain, la jeep accélère. Le voilà qu’il s’enfouit… Notre guide tente de lui couper la route, juste un instant, il va trop vite.

     
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Shadow
     

Malgré tout, Christine est très fière d’avoir été la seule à réagir très vite. Sommes toutes, pour la paix du ménage, je ne peux pas lui donner tort…

Le jour touche à sa fin. C’est mon moment préféré : la savane se pare de couleurs chaudes qui s’évanouissent en milles nuances dans les ombres de la nuit qui s’avance. Un ver à la main, ma caméra à mes côtés, prête à l’action, j’épie l’horizon. Pas de silhouettes d’éléphants ou girafes aujourd’hui. Seul un hippopotame  patauge dans une mare improbable, perdue au milieu des herbes de la plaine.

Qu’importe. Le voilà notre premier trophée du soir !

 

J’entends des murmures désapprobateurs dans mon dos. Oui, d’accord. Ce n’est un chef d’oeuvre. Mais c’est un ratel, un animal difficile à voir et encore plus difficile à photographier. Nous vous avons trop bien habitués…

 

Tenez, en voilà d’autres, bande de râleurs.

           

L’aventure s’achève. Cette nuit, la cabane sur l’arbre restera vide. Pierre-Jean n’a pas pu convaincre Monique. Mais, a-t-il vraiment essayé ?