LA GALICE

 

La Galice est une vaste région de presque trente-mille kilomètres carrés. Un littoral tourmenté, taillé dans le granit avec ses falaises abruptes, îles et îlots, anses et criques sablonneuses qui font penser aux côtes d’Écosse. Ses plaines, où s’égrènent villes de moyenne importance et villages, hébergent une population humaine importante et sont séparées par un relief montagneux recouvert de pins et d’eucalyptus, lesquels, par la main de l’homme, ont pris la place de la forêt originale.

 

 

Nous comptons bien en découvrir quelques facettes, d’autant plus que nous disposons de la magnifique maison parentale d’une amie à Christine, à Perdecanai, un bourg près de Santiago de Compostela.

 

♥♥ La ria de Ortigueira

 

Tout au nord de la province de La Coruña s’ouvre un ample estuaire à l’embouchure du rio Mera qui constitue l’une des zones de marais la plus importante du nord-ouest ibérique. L’aller et retour des marées y dépose boues et limons dont raffolent nos amis les oiseaux.

 

 

Nous suivons religieusement les indications de notre bible ornithologique : Espasante et son port, Ortigueira et son chemin longeant les eaux de la ria, la pointe Cabalar, en espérant dénicher un limicole ou une rareté du coin.

Aigrettes garzettes, hérons cendrés, goélands leucophées remplissent le ciel de leur vol élégant. Des dizaines de Courlis envahissent nos jumelles. Tous sont loin, trop loin. Maudite marée.

Midi s’approche. Passons sur la rive gauche et cherchons une plage pour piqueniquer.

Figueiras ne s’y prête guère, sa crique est presque totalement recouverte d’eau.

Quittons quand même la voiture, histoire de nous dégourdir les jambes. La chance nous sourit enfin.

Si l’eider à duvet fait du surplace, encore une fois trop loin, deux petits points ballottés par les vagues semblent vouloir s’approcher.

« Des grèbes à cou noir » se hasardent mes jumelles.

Et bien, non. Ce sont deux magnifiques femelles de macreuse noire. Leur silhouette apparait et disparait au rythme des ondes, mais nos téléobjectifs, dépités de tant d’inaction, font merveille.

 

 

La plage de Fornoz a gardé son banc de sable, mais aucun oiseaux ne s’y hasarde. Juste une dame qui prend son bain, mais je ne peux quand même pas la photographier…

Un peu plus loin, Carino, typique village espagnol, aux ruelles si étroites, flanquées de vieilles maisons, que notre voiture en frôle les murs. Mais nous franchissons tous les obstacles.

La route grimpe dans une forêt d’eucalyptus. Nous pourrions nous croire en Australie, mais les koalas ne sont pas là. Puis, elle s’incline au majestueux Cabo Ortegal et elle s’écarte, respectueuse.

Des magnifiques falaises plongent dans la mer et s’y engouffrent,  se transformant en éperons rocheux.

Les grands moments sont faits de silence. Christine le brise, car elle a aperçu un fou de Bassan. Il n’est pas seul.

 

 

Nous décidons de revenir à Viveiro, où nous logeons, par une départementale, la 2205. Jamais décision ne fut si pertinente.

La route s’enfile dans la forêt qui lutte contre le vent extrêmement violent. Elle plie, perd des branches qui valsent et recouvrent le bitume, mais ne cède pas. Nous non plus. Il en faut davantage pour impressionner les baroudeurs que nous sommes.

Un immense champ d’éoliennes couvre les crêtes. Spectacle de silhouettes décharnées qui ne manque pas de charme. Des coups d’oeil aériens sur la mer en contrebas complètent le spectacle.

C’est beau, c’est sauvage et nous sommes seuls.

 

 

Un long banc de sable semi-circulaire surmonté par un cordon dunaire, dont la grande dune mobile qui lui donne son nom, des lagunes d’eau douce et d’eau salée, des marais, des prairies de joncs et de salicornes, une forêt de pins et de chênes. Tous ces écosystèmes se partagent une territoire d’environ mille hectares rigoureusement protégés, atteignables uniquement à pied.

 

 

Le Centre des visitantes de O Vilar est fermé, une mauvaise habitude espagnole, car celui de la Ria de Villaviciosa l’était également.

Fions nous à la documentation que nous avons trouvé sur Internet et partons à la recherche du seul observatoire existant dans le parc, celui de la lagune de Vixan. Jolie balade en arrière plage, avec la lagune, où volètent goélands et mouettes rieuses, en point de mire.

Mais chaque piste que nous suivons est stoppée par le marais et, sur la plage, une profonde cassure nous barre le chemin. Nous renonçons et rebroussons chemin, non sans nous intéresser au busard des roseaux et aux tariers pâtres qui deviendront, nous l’ignorons encore, des fidèles compagnons de voyage. A un nouveau venu aussi.

 

 

Cap sur le phare. Falaises, mer déchainée sous l’effet d’un vent omniprésent. Les vagues, se brisant un instant sur un îlot minuscule, se reformant pour mieux s’écraser, toute écume déployée, sur les rochers du rivage, nous fascinent. Nous ne sommes pas les seuls à apprécier ce beau tableau.

 

 

Un chemin bien entretenu se perd dans les dunes. Suivons-le. Ils nous conduit à la lagune de Carrégal, séparée de la mer rugissante uniquement par une mince bande de sable.

Nous marchons en bordure de lagune, entre eau et dunes. La marée risque de nous emprisonner, voir de nous submerger. Tout au moins, c’est ce que craint Christine, je n’en suis sûr.

Néanmoins, nous parvenons à la plage où, sans nous prêter la moindre attention, une bande d’huitriers-pies joue avec les vagues et les rayons du soleil couchant.

Nos yeux scintillent et nous savourons le moment.

 

 

Autre jour, autre aventure.

Nous avons fini par trouver le chemin d’accès à la lagune de Vixan, mais il est écrit quelque part que nous ne la verrons pas. Impossible de trouver un endroit où parquer à une distance raisonnable.

Tant pis. Une lagune en chasse une autre, deux autres en réalité. Celles de Muro et de Xuño sont à l’extérieur du parc, presque accolées à sa frontière nord.

Également totalement protégées, elles sont atteignables par une marche dans une splendide forêt de pins. Si la première est désespérément vide, il en va différemment pour la deuxième.

Deux oiseaux sautillent entre buissons et chemin. Ils apparaissent et disparaissent avec une telle rapidité que nous ne parvenons pas à les identifier. Essayons donc de les photographier.

 

 

Notre premier pipit farlouse.

Une passerelle surélevée en bois franchit les marais de la lagune. Elle nous mène à la plage, où nous apercevons des minuscules points s’agiter. Nous réussissons une approche digne du manuel du meilleur observateur ornithologique.

 

 

Notre liste d’espèces d’oiseaux observés s’allonge et commence à prendre forme.

 

♥♥½  La Ria de Arousa

 

La plus grande ria de Galice prend forme entre La Coruña et Pontevedra. A son extrémité sud, un ensemble de zones humides et de littoral culmine dans une baie séparée de la mer ouverte par la plage de la Lanzada et la petite péninsule de O Grove. C’est dans cette baie que nous avons la meilleure chance de pouvoir observer des oiseaux.

 

 

Ce mardi 26 novembre, le soleil du matin est vite chassé par les nuages. La grisaille nous avale et ne promet rien de bon.

Pas question de renoncer. Continuons notre route.

Le pont qui franchit le rio Umia nous offre une jolie vue sur une concentration d’oiseaux. Néanmoins, impossible de s’arrêter. Quand nous le parcourons à pied, hérons cendrés, aigrettes garzettes et canards s’éloignent, voire s’envolent.

Mais Google a ses avantages. Christine déniche un chemin qui nous conduit à un observatoire sur la rive gauche de la rivière. La marée est haute et les oiseaux demeurent assez loin. Deux chevaliers gambettes, un groupe de chevaliers aboyeurs, un chevalier guignette qui, lui, vient jouer à cache-cache avec nos objectifs.

 

 

La pluie arrive, hélas. La lumière disparaît. Laissons reposer nos appareils et allons explorer le coin, dénicher les meilleurs endroits, car nous reviendrons, c’est promis.

Sur le chemin de retour, une halte s’impose à Cambados. C’est dans ce gros bourg que nous réussirons la photo du jour.

 

L’Albariño galicien est l’un des meilleurs vins blancs d’Espagne. Il est hors de question de laisser l’adversité miner notre bonne humeur légendaire.

Chose promise, chose due. Le cours normal de la vie a repris sa place. Il fait beau et le spectacle commence.

Depuis l’observatoire du rio Umia, les acteurs, le soleil et les aigrettes garzettes, nous jouent un ballet à la chorégraphie parfaite.

 

 

C’est un spectacle itinérant. Nous nous déplaçons à l’estuaire de la Chanca. D’autres acteurs font leur apparition et nous faisons leur connaissance en nous promenant parmi eux.

 

 

Le dernier acte se joue à la baie de O Grove. Nous délaissons les observatoires, places bon marché d’où la vue est mauvaise, pour nous installer au premier rang, en bordure d’eau.

Les limicoles s’échauffent, le chipeau soigne son maquillage, l’aigrette garzette contrôle son costume. Le silence joue sa musique.

 

 

Une journée d’observation qui en vaut deux.

 

♥ A Guarda

 

Nous sommes restés en Galice une petite semaine. Nous y resterions bien encore quelques temps, car il y a foule d’endroits à découvrir et elle est belle. Mais d’autres endroits nous appellent.

Le Portugal, par exemple, où nous dirigeons, en suivant une côte sauvage, battue par un vent violent qui empêche tout tentative de photographie, nos objectifs dansant la gigue.

Selon nos habitudes, nous évitons les villes. Pontevedra, Baiona. Nous n’avons plus de pain pour notre piquenique. Une exception s’impose, nous pénétrons dans les rues de Baiona, jolie localité balnéaire. Une promenade agréable et la mission est accomplie. Nous pouvons repartir.

Vigo est derrière nous. Nous voilà à A Guarda, village de pêcheurs. Ma navigatrice m’engage dans ses ruelles. Notre voiture en parle encore aujourd’hui, tellement elle a craint d’abimer sa jolie carrosserie et frissonné de peur lors du croisement avec un congénère.

Mais le hasard fait bien les choses. En cherchant notre chemin, nous longeons le fleuve Minho, qui fait frontière entre Espagne et Portugal. Sur un îlot, parmi les mouettes rieuses, d’autres oiseaux nous observent. Et ils ne sont pas les seuls. Un peu plus loin, le long d’une plage, échassiers et limicoles jouent avec notre approche, mais ils perdent leur bataille.

 

 

Au revoir, la Galice ! 

 

 

 

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