Faut-il présenter le Tage ? Le plus long fleuve ibérique naît en Espagne, la traverse, passe au Portugal pour se jeter dans l’Atlantique à Lisbonne, après plus de mille kilomètres.
Dans la capitale portugaise, il forme un très long estuaire abritant la Réserve naturelle de l’Estuaire du Tage, la plus grande zone humide du Portugal, parsemée de boue et de marais, paradis des oiseaux migrateurs.
Pouvions-nous ignorer ce haut-lieu ornithologique ? La réponse est évidente.
♥♥♥ L’Evoa
Sous ce sigle un peu bizarre se cache O Espaço de Visitação e Observação de Aves, une réserve dans la réserve, s’étendant sur 70 hectares comprenant trois zones humides d’eau douce.
Elle n’a pas été facile à trouver. Malgré les grands panneaux publicitaires présents sur la route, nous tournons un peu en rond.
Des passants nous indiquent la route. Mauvais tuyau. Nous aboutissons à un grand portail ouvert sur une propriété privée. L’accès y est interdit.
Demi-tour. Cherchons encore. Mais tous les chemins mènent à ce portail. Nous finissons par remarquer un minuscule panneau qui autorise l’accès aux visiteurs de la réserve.
Une longue piste nous y mène.
Ennuyeux ? Pas du tout, au contraire. Landes, rizières et pâturages abritent des dizaines d’oiseaux. Aigrettes garzettes, hérons garde-bœufs et limicoles s’envolent soudainement des fossés à notre passage, le busard des roseaux plane dans le ciel et se pose même au sol, à distance de sécurité bien entendu.
La réserve est traversée par un chemin circulaire de cinq kilomètres que nous allons arpenter de long en large. Quelques observatoires (je ne les ai pas comptés…) sont parsemés ici et là. Ils ne sont pas destinés spécialement à la photographie, car munis de vitres. Mais, il y a toujours un petit pertuis, n’est-ce-pas ?
Deux autres sont aménagés pour nous. L’accès est déguisé entre deux murs de roseaux et les fenêtres d’observation sont munies de filets de camouflage. Très bien fait.
J’ouvre la marche et entre dans le premier. Des centaines et des centaines d’oiseaux recouvrent les eaux de la lagune. A mon arrivée, ils se lèvent en vol, occupant tout le ciel. Mais ils ne fuient pas. Ils décrivent d’élégantes spirales pour atterrir quelques mètres plus loin.
Ce sont essentiellement des barges à queue noire. Et le spectacle recommence : décollage, arabesques dans l’air et atterrissage. Encore et encore.
Nous prenons des photos, certes. Mais surtout nous dégustons, la bouche bée, l’un de ces beaux moments que la nature sait offrir à ses amoureux.
Lorsqu’elles finissent par se poser un peu trop loin, il nous suffit de faire quelques centaines de mètres pour rejoindre l’autre observatoire en face. Et le spectacle recommence.
Elles s’en vont. L’étang est plus calme, mais il n’est pas vide, loin de là. De quoi nous occuper un bon moment.
Cet endroit est tellement extraordinaire que nous allons modifier notre programme et y revenir le jour de notre départ pour l’Algarve. Nous récupérerons le temps passé ici en accélérant l’allure sur l’autoroute.
Mais les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Pas l’ombre d’une barge dans l’étang. Pour quelle raison ? Peut-être l’heure différente de notre visite, quien sabe ? Mais les avocettes sont toujours là, en compagnie des bécassines des marais et d’un nouveau venu.
♥♥ As Salinas de Samouco
Nous logeons à Alcochete, une petite ville à une trentaine de kilomètres de Lisbonne, qui fut jadis le principal centre de production de sel au Portugal. Aujourd’hui, si l’on se fie aux très nombreux logis très récemment construits, elle semble être devenue une banlieue de la capitale portugaise.
Le complexe des mines de sel de Samouco, sis à une poignée de kilomètres de la ville, comptait à l’époque cinquante-six mines en activité, ce qui était une ressource importante pour la population locale.
Aujourd’hui, à la suite du déclin de cette activité et à la construction du gigantesque pont Vasco de Gama qui franchit le Tage à Lisbonne, il a été exproprié et transformé en fondation dont les priorités sont, je cite, le maintien et l’augmentation des communautés d’oiseaux, la promotion de l’utilisation durable des ressources naturelles, la diffusion et la sensibilisation sur la conservation de la nature, en particulier en ce qui concerne les marais salants, et la promotion de la recherche technique et scientifique sur les zones humides.
Vaste programme. Nous nous contenterons de suivre les sentiers qui parcourent en boucle les marais salants, en quête d’oiseaux.
Un bon départ. Un groupe de spatules nous accueille avec bienveillance.
La suite se révèle plus compliquée. Nous avons beau essayer de nous faire discrets, il n’y a pas de cachette le long des berges. Les oiseaux nous fuient. Ce que je pense être une fauvette mélanocéphale nous provoque et finit par disparaître dans les hautes herbes.
Nous enregistrons quelques réussites, mais je dois avouer que c’est un peu frustrant.
Mais voilà, une tache rouge qui bouge attire notre attention. Des oiseaux inconnus nous ignorent, occupés à se nourrir dans l’herbes et sur les tiges des plantes. Pour une fois, ils ne s’éloignent pas, pas toute de suite.
Nous apprendrons que l’Astrild ondulé est originaire d’Afrique. Il a été introduit dans le bassin méditerranéen. Il est devenu commun au Portugal.
Nous poursuivons notre quête. Barges à queue noire, courlis cendrés, gravelots et autres limicoles sont présents en nombre. La plupart se tient près d’une maison que nous ne parvenons pas à atteindre, faute de chemin.
Les deux observatoires, très rudimentaires, sans protection visuelle, ne nous aident guère.
Le soleil a disparu, quelques gouttes de pluie menacent nos appareils. Et puis, la fatigue se fait sentir. Nous avons déjà plus de huit kilomètres dans les jambes. Dans notre enthousiasme, nous sommes partis sans eau et sans nourriture. Il est déjà 1400 heures. Bref, il est temps de retrouver notre voiture.
Une sterne caspienne en chasse vient nous dire bonjour. Aurait-elle été attirée par nos sandwichs ?