L’ISLANDE AU PAS DE COURSE

♦ PRÉAMBULE

Sacrée pandémie… Elle a chamboulé notre vie, balayé nos projets de voyages, étouffé nos envies d’aventure.

Fin juillet 2021, le vaccin tant attendu est derrière nous. Nous disposons d’une quinzaine de jours. Reprenons à rêver…

Mais le virus est toujours là. Les frontières s’ouvrent et se referment.  Où aller ? Les États-Unis et le Canada sont repliés sur eux-mêmes, l’Afrique connaît une recrudescence de la pandémie, l’Europe se bat contre les variantes du Covid en imposant une quarantaine par ici et par là.

Il ne nous reste qu’à dénicher un endroit peu menacé par cette peste moderne. Une île, peut-être ? Le choix de l’Islande s’impose.

 

♦ NOTRE ÉQUIPE

C’est bien connu. On ne change pas une équipe qui gagne. Claude et Louis sont des vieux et fidèles compagnons d’aventure.

 

 

                                                            

Cela tombe bien. Ils ne connaissent pas encore l’Islande. Parions qu’ils vont apprendre à l’aimer…

 

♦ NOTRE VOYAGE

Jamais nous n’avons organisé un voyage en si peu de temps. Mais nous connaissons l’Islande, où nous avons déjà séjourné à trois reprises. La connaissance du terrain nous a facilité les choses, surtout pour un voyage éclair…

Pour la première fois, nous atterrissons à Reykjavik. Impossible d’amener Otto avec nous, le voyage en bateau prenant une semaine pour l’aller et le retour. A l’arrivée, un superbe Landcruiser équipé de snorkel et pneus tout-terrain nous attend.

 

Deux jours dans la capitale, histoire de tenter de voir la lave du volcan Fagradalsfjall qui est actif, depuis mars 2021, dans la péninsule de Reykjanes. Espoir contrarié par la seule journée de pluie du voyage. Dans un ciel gris et le brouillard, luttant contre un vent violent, nous parviendrons uniquement aux abords de l’impressionnante coulée de lave qui fume encore, ici et là. Inutile, dans ces conditions météo, de grimper pendant deux heures supplémentaires pour atteindre le cratère.

 

Nous nous consolons avec une brève escapade dans la péninsule de Snaefellsnes, histoire de chiper nos premières images d’oiseaux islandais.

 

 

Enfin, c’est parti ! En route pour Geysir. Notre hôtel est à une centaine de mètres de Strokkur, le geyser vedette d’Islande. L’occasion idéale de se lever à l’aube et de le voir jaillir en parfaite solitude, toutes les dix minutes en moyenne.

Gulfoss, la première des trois soeurs, n’est qu’à une dizaine de kilomètres. Même une journée grise et les embruns de la cascade ne parviennent  pas à me sortir de la fascination que j’éprouve face à la puissance de l’eau.

 

 

Il est temps d’emprunter la F35, l’une des deux pistes qui traversent l’Islande. La plus facile. Mais le détour de la F347 qui nous mène à Kerlingjarfjöll et à la vallée des mille fumées comme il me plaît de l’appeler met à dure épreuve les ressorts de notre voiture et nos capacités de conduite en terrain difficile.

Un vent très violent nous accueille. Nous parvenons à grande peine à ouvrir les portières du Landcruiser. Il nous déplace et rend hasardeux le passage des premières pentes qui descendent dans la vallée.

 

 

Impossible d’y résister. Dommage, car il s’agit à mes yeux de l’un des plus beaux coins d’Islande.

Ce même vent qui nous poursuivra toute la journée, gâchant une peu notre plaisir… Et l’hôtel Varmahlid ne nous laissera pas des souvenirs impérissables, raison de plus pour le citer ici…

Notre prochaine étape est Laugar, où nous resterons deux nuits dans un sympathique appartement perdu nulle part. Au passage, nous allons tomber sur Godafoss, la deuxième soeur.

Très peu de monde. Un instant je me crois retourner en 1993, lors de notre premier voyage. En empruntant le sentier qui conduit à la base de la cascade, mes jambes me ramènent à la réalité…

Le soleil brille. C’est fascinant, magique. Au point que je reviendrai le lendemain à l’aube avec Claude qui en profite pour réussir ses premiers filés.

 

 

La région de Laugar mériterait un séjour plus prolongé.  Le lac Myvatn à lui seul, avec ses mille îlots et ses paysages, ses déserts de lave et ses oiseaux, est un véritable paradis de la nature. Faute de temps, nous nous contenterons de faire le tour du lac, d’admirer la zone géothermale de Namaskard aux couleurs orangées étonnantes.

Une petite halte dans un coin à nous, aux bords d’une rivière sans nom, à la recherche de l’arlequin plongeur, ce canard endémique d’Islande. Nous ne verrons que quelques femelles, mais elles ne sont pas seules.

 

 

Le véritable joyau du coin nous attend un peu plus loin. On peut longer le canyon de la Jokulsa sur les deux côtés. Par la piste 864 qui semble pénétrer dans le néant et la 862, jadis piste, aujourd’hui ruban de bitume sans grand intérêt. Au beau milieu des deux parcours, voilà Dettifoss.

La troisième soeur. La plus belle, la plus puissante, la reine des chutes islandaises. Et, comme toute reine, elle a droit à ses demoiselles d’honneur, Selfoss, l’élégante, et Hafragilsfoss, la paisible.

 

 

Ces derniers jours, la F26, l’autre piste qui traverse l’Islande, que nous devons emprunter pour retourner au sud, était fermée. La fonte des glaciers a grossi les rivières au point que les gués sont impassables. Aujourd’hui, elle est ouverte uniquement aux grosses jeeps surélevées et aux conducteurs très expérimentés. Nous devons prendre une décision. Ou nous revenons par la F35 déjà parcourue ou nous passons par Egilsstadir et la route 1. Le choix ne m’emballe pas.

Il y a bien quelques pistes (F905, F910 et F923) qui traversent le centre, mais nous n’avons aucune information sur leur état et sur les nombreux gués qui les traversent.

Quelques instants d’hésitation… Sommes-nous des aventuriers ou l’âge nous a-t-il rendus trop prudents ? La réponse est évidente.

En fait, les gués ne s’avèrent que des grosses gouilles amusantes. Louis, au volant, s’entraîne à franchir grosses montées raides et descentes vertigineuses, parsemées de gros cailloux et des quelques trous. Nous sommes seuls avec une nature belle et sauvage. Du pur plaisir !

 

 

L’immense Vatnajökull, l’un des glaciers plus vastes d’Europe, se dévoile par moments, jusqu’à apparaître dans toute la splendeur d’une de ses langues.

Et, lorsque nous atteignons la plaine, au bord du Lagarfljot, une famille de cygnes chanteurs nous offre un joli spectacle. Après nous avoir longuement observés sous toutes les coutures, elle quitte le pré où elle avait trouvé nourriture pour regagner la proche rivière dans un ballet de longs cous qui s’agitent.

 

 

Plus tard, la F939 nous conduira, un virage après l’autre, sur un plateau montagneux. Nous montons et descendons, parfois de façon très abrupte. Les paysages sont somptueux. Au volant, je me régale.

Nous voilà à Höfn, en bord de mer. Ce soir, nous dînerons au Pakkus, ce restaurant où on avait tenté de nous refuser l’entrée en 2014 car nous étions trop nombreux… Les langoustines et autres poissons sont toujours délicieux, selon mes convives. Pour ma part, je me contenterai de plats végétariens.

Demain, nous serons à Kirkjubaejarklaustur, où nous resterons trois nuits, le temps de parcourir pistes connues et inconnues. Sans oublier néanmoins de nous arrêter à l’incontournable Jökulsarlon, l’un des haut-lieux du tourisme islandais.

 

 

J’ai beau y être venu à plusieurs reprises. Je suis toujours fasciné par le spectacle qui change à chaque visite, selon la météo, les vents et les marées. Claude et Louis, dont c’est la première visite, semblent partager mes émotions.

Aujourd’hui, les icebergs sont presque immobiles, figés dans tous les dégradés de bleu qui se confondent dans la transparence de la glace. Seules quelques minuscules blocs s’aventurent dans le canal et s’en vont vers la plage noire de l’autre côté du pont.

Les sternes ne nichent déjà plus sur les falaises de glace. Les mouettes rieuses, aussi bruyantes qu’elles, les ont remplacées. Une mère eider veille sur son unique jeune…

Quelques kilomètres plus loin, au bout d’une courte piste, un autre lagon glaciaire nous attend, Fjallsárlón. Il est différent car le glacier qui vêle les icebergs est beaucoup plus près de la rive. La falaise de glace, haute d’une vingtaine de mètres, est bien plus visible. Il est beaucoup plus intime aussi. Seules deux personnes admirent le spectacle avec nous.

C’est peut être cette intimité qui a fasciné notre drone. Il a voulu rester ici et n’a jamais voulu rentrer à la base. Qu’il repose en paix !

C’est déjà un autre jour… Nous roulons sur la piste caillouteuse qui nous conduit au Laki. Nous passons aisément notre premier gué véritable pour enfin pénétrer dans les fabuleux paysages du Lakagigar. Une vaste plaine ou les mousses vertes aux nuances infinies ont recouvert le tapis de lave, quelques sommets à l’horizon, parfois des glaciers, des cratères à l’infini.

 

 

Fasciné par  la désolante beauté de cet endroit, il m’est aisé d’imaginer les colonnes de lave jaillissant à plus de mille mètre de hauteur.

Cet endroit est magique et il est surprenant qu’il soit si peu fréquenté par les touristes. Enfin, un coin d’Islande encore préservé…

Côté pistes, le Laki n’a été que l’apéritif. Aujourd’hui au programme F232, F210, F225 et F208, les deux premières étant une inconnue pour nous aussi. Christine et moi-même avons quelques remords. Otto, notre vaillant FJ Cruiser doit nous en vouloir de l’avoir laissé à la maison…

Nous avons choisi de débuter sur la F232 pour éviter le gué sur la Holmsa de la F210. Autant commencer en douceur…Sous un ciel gris où de temps en temps perce un timide rayon de soleil, nous roulons sur une piste un brin caillouteuse et cahoteuse, ruban noir au milieu des mousses vertes. Une cascade par ici, une colline par là, mais surtout les langues du Mýrdalsjökul  donnent du relief à notre voyage.

 

 

Au loin, nous apercevons les flots tumultueux de la Leira qui nous barre le passage. Sueurs froides… Ouf, un petit pont caché nous permet de la traverser. En réalité, les gués sont faciles. L’un d’eux est tout de même spectaculaire car nous traversons la rivière à quelques mètres seulement d’une chute d’eau.                                                     

 

La F210 est bientôt là. Le paysage change soudainement. Un désert de sable noir, le Maelifellssandur, s’étale devant nos yeux, à l’infini, bordé de glaciers et de la silhouette éloignée du volcan. La piste semble s’égarer dans le néant, se confondant avec les filets d’eau qui gorgent le sol. Seuls quelques piquets jaunes guident notre chemin.

C’est l’apocalypse de la solitude, la fin du monde ou plutôt le monde qui viendra dans mon imagination. J’en ai la chair de poule et je déguste chaque instant passé dans ce lieu magique. 

C’est peut-être cette magie qui a empêché mes compagnons de voyage de prendre une seule image de cet endroit bouleversant. Pour ma part, j’ai tourné quelques séquences… Mais c’est une autre histoire et vous les verrez plus tard.

Les blocs et les plaques de lave remplacent le sable. La piste disparaît,  Pendant quelques centaines de mètres nous cherchons notre chemin, roulant au pas, ballottés sans cesse.

C’est ce sol irrégulier qui peut poser problème avec le gué de la Kaldaklofskvisl. Mais aujourd’hui, nous le passons aisément.

Nous prenons rapidement de l’altitude. La piste serpente entre collines vertes escarpées et montagnes de rhyolite aux teintes orangées, mouchetées de neige. Le lac Alftavatn apporte une autre touche de couleur. C’est différent, mais c’est toujours magnifique.

 

 

Un autre gué, multiple celui-ci, celui de la Markarfljót, censé pouvoir être difficile, que nous passons à l’aise. Puis la piste devient rivière et nous marchons sur l’eau pendant quelques centaines de mètres… Trois arlequins plongeur pour changer de décor.

 

 

La F210 est la plus belle piste que j’aie jamais parcourue en Islande. Déjà je songe à y revenir, encore et encore.

Notre périple est loin d’être terminé. Les aussi magnifiques F225 et F208 nous attendent. Mais j’ai été trop ambitieux dans mon programme.Trois-cents kilomètres, dont deux-cent-cinquante de pistes c’est trop, beaucoup trop pour une seule journée. Ainsi nous parcourons presque pied au plancher les sables noires et les blocs de lave de la première, les montées et descentes spectaculaires , entrecoupées d’innombrables gués de la deuxième.

 

 

Peut-être, si nous avions pu savoir la qualité du repas qui nous attendait à notre hôtel, nous serions restés plus longtemps avec les couleurs du Landmannlaugar…

Notre voyage touche à sa fin. Nous sommes à Vik. Un jour et demi pour arpenter sa célèbre plage noire, chasser nos derniers oiseaux, admirer Skogarfoss. Encore une fois, le temps nous manque…

 

 

En route pour Keflavik, l’aéroport de la capitale. Nous trouvons le courage, tout au moins Claude et moi-même, de passer derrière le rideau d’eau de Seljalandsfoss. Douche garantie, mais un superbe jeu de lumières.

 

 

Comme nous, ils s’envolent.

 

 

Comme eux, nous nous reposerons sur le sol islandais.