SUR LES PISTES DE MOAB

 

• 21 au 27 octobre

 

Moab, tes dizaines de canyons, arches et mesas, tes cathédrales tourmentées de roche rouge, tes pistes plus ou moins accidentées, tes couleurs incroyables,  ont occupé mes pensées depuis très longtemps.

J’ai regardé des centaines de photographies, visionné autant de films, lu d’innombrables compte-rendus d’aventures. Bref,  je t’ai rêvé.

 

 

Un rêve qui se transforme en réalité. Nous venons de quitter Fruita avec une Jeep Wrangler et une Jeep Gladiator, version Rubicon, reine du 4×4, bien entendu.

Nos tentes de toit nous font un clin d’oeil. Temple Mountain nous attend pour notre premier bivouac. C’est de là que, demain, nous partirons pour nos cinq jours sur les pistes de l’aventure. Un frisson me parcourt l’échine…

Pour nos débuts, nous avons choisi la région de San Rafael Swell, moins connue et moins fréquentée que la région entourant Moab.

 

 

Le programme prévoit que nous commencions par une boucle comprenant deux pistes, Behind the Reef et Red Canyon. Nous avons misé haut. La première est classée « rouge » par notre guide, soit « difficult », mais rien ne peut pas faire peur à deux conducteurs chevronnés de véhicules tout-terrain.

Vraiment ?

 

 

Quelques kilomètres parcourus sur la piste, juste le temps de prendre en main nos véhicules. Un virage, la route monte brusquement. Deux gros rochers rétrécissent la piste. Peut-être nous pourrions passer, mais d’autres gros rochers, de taille respectable et différente  jonchent le sol.

Franchement impressionnant pour un premier défi. Conseil de guerre entre Louis et moi. Claude et Christine, elles, ont déjà tourné leur tête, horrifiées.

Nous craignons que le Gladiator de Louis, le véhicule avec l’angle ventral le plus long, touche les rochers avec son châssis. Nous finissons par décider de ne pas prendre le risque d’abîmer les voitures le premier jour.

Notre sagesse masquerait le manque de courage ? Je ne peux pas m’empêcher de me poser la question. Sans y répondre, bien sûr.

Nous voilà sur la piste de Red Canyon. « Easy », celle-ci. Une longue découverte de paysages majestueux aux couleurs improbables et mouvantes qui parent quelques cathédrales de grès ou de granit, mésas et plaines. Architectes et peintres un peu fous ont lâché la bride à leur imagination.

 

 

Nous sommes absolument seuls, tant sur la piste que là où nous décidons de camper. C’est beau et apaisant. Le soleil couchant recouvre d’or les crêtes et les collines nous entourant.

 

 

C’est le moment d’ouvrir une bonne bouteille pour célébrer notre premier contact avec les terres de Moab.

Hier déjà, j’avais pu constater que notre vitesse de croisière etait bien inférieure à ce que j’avais imaginé lors de la préparation du voyage. Aujourd’hui, les premiers kilomètres de Black Dragon Canyon confirment cette sensation. Sans être difficile, la piste est cassante et piégeuse. Nous avançons très souvent à une vitesse de 10-15 km/h pour franchir les plaques rocheuses de claire origine volcanique et il nous arrive de devoir descendre du véhicule pour trouver notre chemin parmi les trous et les escaliers de pierre.

Nous traversons tout d’abord une large plaine parsemée de pins et de genévriers rabougris. Nuances vertes et jaunes, pulvérisées de gris. Mais à l’horizon, toujours plus proche, le rose des crêtes annonce d’autres paysages.

 

 

La piste se resserre, sablonneuse, longeant un torrent asséché. Le canyon nous englouti. Ses parois vertigineuses nous cachent le ciel, menacent de se refermer sur nous. Des couleurs sombres et sévères, tirant sur le mauve et le noir. Sauvage et magique. Au point que nous oublions de sortir caméras et appareils photos.

Je n’ose pas m’imaginer ici par temps de pluie.

 

 

La lumière continue à nous fuir. Le fameux coucher du soleil de Dead Horse Point a déjà disparu depuis belle lurette lorsque nous parvenons à notre étape du jour. Qu’importe, ce n’est que partie remise. Nous dormirons ici aussi demain.

Moab nous offre une petite pause régénératrice, au vu de ce qui nous attend ces prochains jours. Le temps d’un café, d’un gigantesque dessert pour Louis et de quelques achats dans les nombreux magasins de cette petite ville très touristique.

Le naturel reprend vite le dessus. Gemini Bridges, une piste d’une vingtaine de kilomètres, classée « easy » nous attend, histoire de dégourdir les pneus de nos jeeps.

Facile ? Cela commence par une montée très raide et étroite, entre la falaise et le vide. Claude et son vertige apprécient modérément.

Une petite pause pour nous remettre de nos émotions. Le temps aussi de constater que nous ne sommes pas seuls. Voitures, quads et motos défilent autour de nous. Heureusement que nous n’avons pas croisé tout ce beau monde lors de la montée. N’est-ce-pas Claude ?

 

 

L’aventure continue. Nous traversons un plateau rocheux qui envahit souvent la piste en créant escaliers et devers pouvant être impressionnants. Mais Louis et moi-même maîtrisons désormais nos jouets. Nous nous amusons.

Il fait toujours beau. Nous n’allons pas louper notre coucher du soleil !

 

 

Enfin, le moment que j’attendais avec tant d’impatience est arrivé. Pendant deux jours, nous allons parcourir la White Rim, une piste  qui serpente au fond de Canyonlands National Park, entre la Colorado River et la Green River. Une centaine de miles de vives émotions et de moments inoubliables, j’en suis certain.

 

 

Déjà dès son accès, par le Shafter Trail, elle tient ses promesses. Une descente vertigineuse par une route à lacets, certes assez large,  mais impressionnante. Nous plongeons dans le vide.

Puis c’est une lente progression sur un sol qui ne permet pas de rouler vite. Quinze, vingt km/h tout au plus. Qu’importe. Canyons déchiquetés, immenses falaises découpées, buttes et colonnes de grès monumentales se succèdent dans une variation de couleurs indescriptible. Un vrai plaisir pour les yeux. Je suis aux anges.

 

 

C’est ici que nous apprécions vraiment avoir loué des 4×4 performants. Parcourir la White Rim ne demande pas d’être des as du maniement d’un tout-terrain. Elle est d’ailleurs classée « moderate ». Mais elle requiert  une attention constante car la piste est très irrégulière et piégeuse. Lorsque notre attention se relâche ou lorsque nous accélérons la cadence, les suspensions modifiées de nos véhicules nous viennent en aide, évitant à nos passagères d’écraser leur très joli nez sur le parebrise.

Et puis, à quelques reprises, nous devons enclencher les vitesses courtes. Des montées et des descentes très abruptes, parfois en corniche, parfois très étroites, qui sont assez impressionnantes. Et impressionnés, nous le sommes, mais nous franchissons l’obstacle.

Voilà que le soleil de face nous aveugle totalement. La piste disparait. Sans nous être concertés, Louis et moi-même demandons à nos passagères de nous signaler le bord de la falaise, sur notre droite. A gauche, c’est le vide.

Notre récompense ? Un égo qui enfle et un site magnifique pour passer la nuit.

 

 

Le vent souffle très fort à notre réveil. Autant quitter les lieux et chercher un endroit plus propice pour le petit-déjeuner. Quelques arrêts pour admirer des paysages somptueux plus tard, nous trouvons un rocher accueillant.

 

 

Rassasiés, nous reprenons la piste. L’apparition constante de la Green River change le décor qui semble un brin moins sauvage.  Les cathédrales de pierre s’éloignent, le vert des arbres apporte de nouvelles couleurs.

 

 

Sa présence signifie aussi que nous allons bientôt quitter ces lieux féeriques. Mais avec une seule idée dans la tête de Christine et de moi-même : y revenir !

Direction Sand Flats Recreation Area, à une encablure de Moab. Nous sommes au coeur d’une région où se situent quelques unes des pistes les plus difficiles des terres de Moab. Après une bonne nuit de sommeil, il est prévu de se lancer à l’assaut de « Hell’s Revenge », la piste qu’il faut faire si on vient à Moab, tout au moins selon Sthépane, notre garagiste en Suisse, prince du tout-terrain.

 

 

Mais nous avons fait le plein des émotions. Personne n’a envie de se lancer dans un nouveau défi. Même moi, qui en ai rêvé presque chaque jour, n’ai pas le courage d’insister. Je me bornerai à en parcourir à pied les premiers dizaines de mètres et a acheter un débardeur mentionnant que j’ai survécu à Hell’s Revenge.

Crâneur jusqu’au bout !

Nous avons donc le temps de découvrir Arches National Park, le parc le plus visité des Usa.

Je pense peut-être toujours à Hell’s Revenge, ou alors j’ai un coup de cafard, mais je ne ressens pas l’enthousiasme des jours précédents. La route panoramique asphaltée sur 35 km et la présence d’une foule innombrable, même à fin octobre, ne m’aident guère à sortir de mon indifférence.

Pourtant les formations géologiques sont splendides dans leurs formes multiples. Le spectacle est permanent.

 

 

Pour moi aussi, je crois qu’il est temps de quitter Moab pour d’autres lieux et d’autres aventures.

 

 

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