DOVREFJELL ET ALENTOURS

La petite ville d’Oppdal, où nous logerons ces quatre prochains jours, est entourée de parcs nationaux.

 

 

Nous l’approchons en parcourant une région plutôt rurale. Montagnes et nature sauvage s’éloignent laissant leur place aux fermes isolées et aux prairies à foin. Un paysage beaucoup plus paisible que celui auquel je m’attendais.

 

 

Mais nous aurons le temps de découvrir une nature plus sauvage. Ici et uniquement ici en Europe continentale (il y en a au Groenland), dans le parc national de Dorvefjell-Sunndalsfjella, vivent les Boeufs musqués et nous avons bien l’intention de les découvrir et de les observer.

Il faudra marcher et il faut donc nous entraîner. La réserve naturelle de Fokstumyra, près de Dovre et Dombas, à une quarantaine de kilomètres au sud d’Oppdal nous semble l’idéal pour nous dégourdir les jambes. Une grive mauvis nous souhaite la bienvenue, l’espace de quelques instants.

 

 

Nous voici donc partis pour une longue ballade à travers marais et tourbières, à la limite de la zone des arbres. Et cela commence bien. Quelques centaines de mètres. Un Sizerin flammé, oiseau que nous n’avions jamais vu, se prête complaisamment à nos objectifs.

 

 

Ça continue encore mieux. Sophie, œil d’aigle, nous alerte. Un  rapace dans le ciel. Un Busard Saint-Martin. Un mâle de surcroit. Christine est la plus rapide à dégainer.

 

 

Prometteur, mais trompeur. Les oiseaux sont présents dans cette réserve, classée aux sites Ramsar, mais la végétation abondante, buissons, arbres et arbustes, leur offre des cachettes idéales. Ils vont de l’un à l’autre, disparaissant dans les feuilles. Difficiles à apercevoir, encore plus à photographier.

La pluie qui va et vient ne nous facilite pas la tâche, nous obligeant à couvrir nos précieux appareils.

 

 

Mais nous sommes tenaces. Au bout des quelques 7 kilomètres et des poussières de notre expédition, nous parviendrons à obtenir un discret tableau de chasse, dont un étonnant Chevalier sylvain perché sur un arbre.

 

 

Hier, c’était plat. Aujourd’hui, il faudra grimper. Emily, notre jeune guide anglaise, nous met tout de suite à l’aise, en nous annonçant que, la veille, elle a marché dans le parc, pendant 10 heures sans voir de Boeuf musqué.

Mais il en faut davantage pour nous décourager.

Depuis Kongsvoll, le sentier grimpe régulièrement à travers une forêt de bouleaux. Rien de bien stressant pour nos jambes encore en forme.

 

 

Puis, nous aboutissons à un splendide plateau très vallonné. La vue s’accroche sur la première crête, tente en vain de découvrir ce qui se cache dans la dépression pour mieux rebondir sur l’horizon suivant.

C’est vaste, immense. Au loin, des montagnes noires parfois saupoudrées du blanc de la neige, qui n’as pas totalement fondu, semblent faire obstacle au regard, mais ce n’est qu’illusion. Il suffit de se déplacer de quelques pas pour se perdre dans un autre horizon.

Emily, qui n’aime pas être suivie par les touristes qui arpentent les sentiers, nous amène hors des chemins battus. Nos pieds s’enfoncent dans le terrain spongieux de la toundra. Parfois, il faut rebrousser chemin, un marais nous barrant la route. C’est éreintant, mais c’est beau.

Les jumelles ne cessent de scruter ces paysages infinis. Pas de Boeufs musqués en vue.

 

 

 Un frisson invisible parcours le groupe. Notre guide a enfin repéré le Graal. Où donc ? J’ai beau regarder partout, je ne le vois pas… Puis enfin, en suivant les discussions des autres j’aperçois un point noir qui bouge là-haut dans la neige. Bof, continuons à chercher.

Nous ne sommes pas les seuls, loin de là. Mais presque tout le monde suit le sentier. J’ai beau observer les groupes humains à la jumelle, mais je n’aperçois aucun signe de repérage. Emily nous en signale encore deux autres, mais ils sont à des distances sidérales. Impossible de les approcher, il faudrait des ailes.

Et puis, finalement la chance nous sourit. Un mâle se promène sur une colline. Un kilomètre, peut-être plus, mais parfaitement discernable à la jumelle. J’enclenche le multiplicateur de focale de mon objectif. On ne sait jamais, il pourrait partir.

Nous commençons une tentative d’approche en ligne directe, à bonne allure. Il disparaît et réapparaît selon les plis du terrain. Une première halte à quelques centaines de mètres, pour reprendre des forces. Il est couché et nous le voyons à peine.

Avec mille précautions, Emily nous fait remonter la pente pour pouvoir l’approcher depuis le haut. Son mauvais caractère est bien connu et il pourrait charger. Trois-cent kilos de muscles lancés à soixante kilomètres à l’heure…

 

 

Pendant une dizaine de minutes, le temps s’arrête. Puis,trop tôt, il se lève paresseusement et il s’éloigne, en nous tournant le dos. Certainement pour nous montrer qui est le seigneur ici.

Il est désormais temps de redescendre. L’excitation est retombée, nos jambes se ressentent de l’effort fait pour gravir rapidement et dans un terrain difficile, parfois en pente,  les centaines de mètres qui nous séparaient de notre objectif. Bref, nous nous rendons compte que nous ne sommes plus tout jeunes. Notre guide le remarque et adapte son rythme à celui de ses clients.

Mais pas question de relâcher notre attention.

 

 

Notre guide nous a pleinement convaincu du professionnalisme de l’agence Musk Ox Safari. Nous avons donc décidé de repartir avec elle à la recherche des élans. Mais ces animaux ne sortent que le soir. Nous avons le temps de découvrir la région. En voiture, car la fatigue se fait sentir.

 

 

En fait, nous allons contourner le parc national Forollhogna, sans toutefois pouvoir y accéder. Des paysages captivants comme très souvent en Norvège et des haltes ici et là pour profiter des rencontres parfois inattendues.

 

 

Il est désormais 21h30. Notre guide a changé. Steena, une jeune femme débordant d’enthousiasme, nous conduit dans la région de la réserve de Fokstumyra. C’est ici que vivent les nombreux élans de la région.

Malheureusement, le ciel est très couvert et la lumière baisse à vue d’œil. Nos appareils photos nous regardent d’un air soucieux.

Qu’importe. Le spectacle est au rendez-vous. Deux groupes d’élans dont le premier compte une dizaine d’individus, femelles et jeunes mâles, se promènent dans la plaine. Nous avons déjà vu des élans, mais jamais en tel nombre. Un peu plus loin, un beau mâle se cache dans les bouleaux. Nous essayeront de l’approcher, en vain, mais à sa place nous rencontrons les moustiques norvégiens…

Nous n’en sommes qu’aux hors-d’œuvres. Sur le parking de la réserve nous nous retrouvons entourés d’une douzaine d’élans, femelles, jeunes mâles et même un rejeton de l’année qui fait le fou, sautillant partout. Notre fourgon d’observation est à une quinzaine de mètres, cela ne les dérange nullement. Même lorsque j’en sors précautionneusement, j’ai droit à un regard et tout le monde reprend à brouter.

Certes, les photos ne gagneront pas un prix à un concours. Mais qu’importe ? C’est magnifique et c’est un grand moment.

 

 

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