Nous avions oublié qu’ici nous sommes en hiver. Ce matin, le ciel est couvert, le vent continue de souffler et la température a singulièrement baissé. Il doit faire dans les 10 degrés, peut-être moins. Toutes les conditions sont réunies pour que nous connaissions une matinée difficile en matière d’observation animalière.
Nos prévisions s’avèrent encore plus optimistes que la réalité. Non seulement le léopard est toujours aux abonnés absents, mais tous les autres animaux nous fuient. Tous? Pas tout à fait.
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Lorsque nous rentrons au lodge pour le repas de midi, nous sommes transis, malgré gants, bonnets et vestes coupe-vent. Heureusement, le ciel semble se dégager pour notre virée de l’après-midi.
En effet, le soleil est revenu. Il fait meilleur et nous partons dans les collines, toujours à la recherche de celui que vous savez. Pour la première fois, nous rencontrons de nombreux éléphants, de près ou de loin. Des barrissements d’énervement résonnent dans les broussailles. Les pachydermes sentent des fauves à proximité de leurs petits. La question est de savoir si nous ferons une bonne ou une mauvaise rencontre en nous engageant dans ces fourrés.
La réponse ne tarde pas à venir. Nous n’en feront aucune, malgré toute la bonne volonté de notre guide.
La nuit est arrivée. Le thermomètre indique 12 degrés. Matthew roule, sur la piste, dans le bush et dans des lits de rivière asséchés. Nous nous cramponnons comme nous le pouvons aux dossiers de la voiture lorsque nous franchissons l’énième talus et la brusque descente qui s’en suit.
Le voilà. Un superbe mâle, couché sur le sable. On dirait qu’il nous attendait. Christine et moi avons déjà vu quelques léopards, mais rarement un si beau spécimen. Il est énorme et je parie qu’il doit peser au moins quatre-vingt kilos. Les lumières tamisées des phares et du projecteur lui donnent un air de fantôme solitaire. Il l’est peut-être, nourri par nos attentes. Non. Il se lève et vient droit sur nous. Nous distinguons clairement la masse de ses muscles frémir sous son pelage. C’est féérique, d’une beauté merveilleuse. Ses superbes moustaches vibrent à peine lorsqu’il nous dépasse. Pendant de longues minutes, nous le suivons dans les buissons. Il est parfois ombre, parfois lumière, toujours poésie.
Faites de beaux rêves, les amis. Les miens ont disparu dans la brousse.