En cette fin d’après-midi, le pied du conducteur se fait lourd sur l’accélérateur. Depuis Senja, nous avons traversé des beaux paysages le long de la route 84, alternant bords de mer et route de montagne, mais Kabelvag, notre première étape aux Lofoten, est encore loin et nous devons admettre avoir tous envie d’arriver.
Nous sommes désormais sur la E10, cette route moderne qui doit nous permettre l’accès aux îles à coups de ponts et de tunnels, parfois sous-marins. Un trafic impressionnant, dans les deux sens, nous fournit un premier indice de ce qui nous attend aux Lofoten.
Nos envies d’apéritif sont toutefois rapidement stoppés par la beauté des ces îles.
Un décor naturel à coupler le souffle : montagnes escarpées tombant à pic dans la mer, eaux turquoises et transparentes s’alternant avec celles d’un bleu profond des fjords, étonnantes plages de sable blanc, îles et îlots sauvages qui appellent à l’aventure, le tout baignant dans des lumières sublimes et changeantes.
Ici, tout est contraste et c’est magnifique ! Impossible de ne pas s’arrêter.
Et, en fin de compte, le coup d’œil qui nous offre la baie de Slovaer, la ville principale des îles n’est pas mal non plus, tant sous la lumière du jour que sur celle du coucher du soleil.
Ce matin, à l’aube, je suis retourné seul à Hanningsvaer, à la recherche de l’oiseau rare. Ce village, relié à la terre ferme par une série de ponts qui traversent plusieurs îles nous avait paru hier presque irréel. immergé dans la splendeur de ses environs où la lumière du contre-jour dansait entre les parois des montagnes descendant à pic dans la mer.
Aujourd’hui, les lumières ont changé. Tout est plus calme et moins spectaculaire. La foule bigarrée de visiteurs qui animait les lieux dort dans les voitures, campers et tentes qui occupent chaque recoin disponible, des bords de la route aux rares plaines herbeuses zigzaguant parmi les rochers.
Un groupe de petits oiseaux, probablement des pouillots, se moque de mon objectif et de ma patience. Il est temps de rejoindre les autres et de partir à une vraie chasse.
L’occasion de découvrir un autre aspect des Lofoten, moins accidenté. La mer et ses plages repoussent les montagnes à l’horizon, des plaines marécageuses parsemées de petits lacs font leur apparition, quelques hameaux adoucissent le paysage.
Mais aussi l’occasion de découvrir notre premier plongeon, cet oiseau que je pensais pouvoir observer bien plus souvent en Norvège.
Le coucher du soleil est une institution aux Lofoten… Alors, allons terminer notre journée sur les plages d’Uttakleiv, là où on dit pouvoir admirer l’un des plus beaux.
Il est à peine 22:00 heures lorsque nous arrivons à destination. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée, loin de là. Un nombre incroyable de véhicules est stocké à l’arrière de la plage. Jeunes hommes et jeunes filles, habillé de jaune, gèrent la circulation et encaissent la dîme.
Asseyons-nous dans un coin et dégustons la lumière. C’est un grand cru.
Il est 23:10 heures lorsque le soleil quitte la scène. Une demi-heure plus tard, sur le chemin du retour, la lumière endosse encore sa robe de velours et se complait à se regarder dans la glace.
Malgré la rentrée tardive, pas question de se prélasser au lit. Nous sommes venus ici pour découvrir chaque coin des îles et le temps presse. Mais nous avons tout-de-même concocté une courte étape.
Impossible de s’ennuyer ici. Les paysages varient à l’infini et, même lorsqu’ils semblent être connus, ils arrivent à nous surprendre.
Tiens, ce lac. Il est splendide, il mérite une photo… Propos vite oublié, une maman plongeon catmarin y promène ses deux petits. Elle accapare toute notre attention.
Mais où sont-ils les Pygargue à queue blanche ? Le 20% de la population totale est censé vivre ici. Nous avons beau scruter les ciel, tous les quatre, à tour de rôle, pas de trace de ce rapace que nous avons pourtant vu à Runde. Seule Christine a bondi une fois de sa chaise, en semant la panique dans le groupe. Mais c’était un avion…
Tous les jours, de nombreux bateaux pneumatiques partent du port de Svolvaer, chargés de touristes. Direction le Trollfjord, où ils peuvent être aperçus.
Alors, faute de bateau, essayons par la route.
Une belle route longeant la mer. Des beaux points de vue, des goélands à profusion, mais pas une plume d’aigle.
Il nous faut rebrousser chemin car ce soir nous sommes attendus à Hamnoy, où nous logerons ces prochains trois jours.
L’envie d’un café nous fait emprunter une courte route côtière en direction de Vikten. L’occasion d’une sympathique rencontre.
Nous sortons d’un énième tunnel, un pont s’annonce. Plusieurs voitures sont garées au bord de la route, d’autres cherchent à s’arrêter.
Des Aigles ? Non, des Orques.
Christine et Sophie se chargent de les photographier. Je les observe à la jumelle. Elles chassent dans le fjord, je compte les nageoires. Il y en au moins cinq, deux adultes et trois jeunes, peut-être aussi un quatrième jeune. Les adultes ne cessent de taper avec leur queue la surface de l’eau. Sûrement une technique de chasse. Des nuées d’oiseaux marins volent au-dessus d’elles. Ils veulent profiter de l’aubaine.
Christian a l’excellente idée de s’éloigner de quelques centaines de mètres. La route monte et nous arrivons les premiers à un point d’observation bien meilleur. Je ne résiste plus. Je sors à la hâte valises et sacs du coffre de la voiture et je récupère mon matériel. Je veux aussi les photographier…
Quel magnifique spectacle. A lui seul, il vaut notre voyage. Christine et moi-même avions déjà vu des Orques, toujours depuis un bateau et jamais si nombreuses. Surtout, jamais aussi longtemps.
Remettons-nous en route. Depuis quelques kilomètres, nous avons remarqué qu’il y plus de monde dans cette partie sud des îles qui semble être plus habitée et fréquentée. Les rorburs, ces maisonnettes rouges qui étaient à l’origine des cabanes à pêcheurs et qui se sont transformés en résidences secondaires ou logements à touristes, poussent partout. Nous y logerons d’ailleurs aussi.
Ce matin, je suis debout le premier. Le magnifique Pyguargue empaillé qui trône au-dessus de notre lit est peut-être entré dans mes rêves et m’a réveillé.
Je me fais deux nouveaux amis. Un Goéland cendré et un argenté se posent sur la rambarde de notre balcon, dès que je sors fumer une cigarette. Ils ne sont qu’à deux mètres de moi et ils ne me craignent nullement. Il faut dire que je les gâte…
Le ciel est gris, il pleuvine. Je prends la voiture et je vais faire un tour. Le vent, assez violent, et la mauvaise lumière me feront rapidement rebrousser chemin. Le petit-déjeuner m’attend !
Reine aussi, nous attend. Mais une silhouette dansant là-haut dans le ciel nous arrête. Un Pygargue, bien vivant cette fois-ci. Houspillé par les goélands, il dessine des élégantes esquives. Un coup d’aile et il s’éloigne, mais ses adversaires reviennent à la charge.
Il est bien loin, mais nos objectifs font des miracles.
Reine est un village fameux dans le monde entier. Les photos prise depuis le Reinebrigen, la montagne qui le domine, figurent dans tous les guides et cartes postales de Norvège.
Il me laisse sur ma faim. Coquet, bien entretenu et bien situé, certes, mais plutôt banal.
A sa décharge, il faut dire que nous avons renoncé à grimper les escaliers qui conduisent au point de vue. Le temps maussade et les quelques centaines de mètres de dénivellation ont eu raison de notre enthousiasme.
Les villages des Lofoten ne m’ont jamais vraiment emballé, comme confirmera la visite d’A, tout au bout de l’île. Les quelques pas dans ce village nous permettront au moins de découvrir une très bruyante colonie de Mouettes tridactyles.
Peut-être Nusfjord, l’autre village qui dispute à Reine le titre de plus beau village des Lofoten, me fera changer d’avis.
Et bien, non. Le petit port entouré de rorburs rouges et d’entrepôts jaunes est plaisant, il est vrai. Mais il manque de vie. La cahute où nous sommes censé payer l’entrée au village est déserte. Un panneau indique que toute contribution à l’entretien des lieux est la bienvenue. Un appareil à cartes de crédit est à disposition… Quelques têtes de morues séchées pendues à un fil, un ou deux panneaux explicatifs, un café aussi tristounet que le reste.
Mieux vaux se fier à la nature pour des moments excitants. Notre première rencontre avec un Labbe en est la preuve par neuf.
Et puis, les lumières extraordinaires de Lofoten se rappellent à nous.
Notre dernier jour aux Lofoten s’annonce. Un coup d’œil au ciel n’est guère encourageant, mais il n’est pas question de fainéanter. Nous allons découvrir un coin un peu à l’écart de la foule, tout au moins nous l’espérons. Histoire de se remplir les yeux une dernière fois des paysages et des oiseaux de ce coin de paradis.
Une gentille ballade dans la forêt aboutissant à un joli lac où les goélands se baignent pour nous ouvrir l’appétit, un dîner dans un très bon restaurant, notre voyage s’achève.
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