♦ 30 août-10 septembre 2019
Quitter un avion pour remonter sur un autre, un coup d’oeil sur nos bagages, récupérer le véhicule de location, rouler une centaine de kilomètres… Nous sommes enfin parvenus à San Pedro de Atacama, ce petit village où le nombre de chiens errant rivalise avec celui des touristes.
Il sera notre camp de base pour les trois prochains jours pour explorer le désert qui nous entoure.
Vite, au lit. Demain on commence…
Incapable de dormir, j’admire le volcan Licancabur qui sera, du haut de ses 5920 mètres, notre inséparable compagnon des prochains jours.
Les jeux d’ombres et de lumière qui naissent et s’estompent dans l’aube naissante ne sont que le prélude de ce qui nous attend entre vallées, volcans, lagunes et sommets de la cordillère se dessinant à l’horizon.
Mais laissons plutôt parler les images. La vallée de la Lune pour commencer.
Les lagunes ensuite : Céjar, Chaxa, Miscanti y Miniques, ces dernières se situant à 4120 mètres d’altitude. Leurs mille nuances de couleurs et leurs hôtes.
Enfin, Geiser del Tatio. Une véritable épopée : réveil à 0330 heures, une nonantaine de kilomètres dans la nuit la plus noire. Seul quelques petites lueurs accrochées aux lacets de la route qui monte nous indiquent notre chemin. Lorsque nous quittons la voiture, à 4200 mètres et par moins huit degrés, l’aube pointe son nez. Quel spectacle ! Des dizaines de volutes de vapeurs montent vers le ciel, dansant au gré du vent. Et bientôt le soleil se franchira un passage dans ce décor dantesque.
Nos premières vigognes semblent être les sentinelles d’un panorama grandiose, que la nuit, coquine, nous avait dissimulé tout à l’heure. Les plaines, tranchées par la piste rectiligne, se parent de tous leurs ors, dans une explosion de couleurs pastels, dont le contraste s’accentue là-bas, au fond, sur les pentes des volcans encore enneigés.
Un peintre de talent est passé par là. De sa palette ont glissé quelques gouttes de bleu et de blanc qui se sont transformées en lacs recouverts de glace.
Nous sommes désormais des vétérans de l’altitude. Le col que nous devrons franchir, à 4800 mètres, pour atteindre la frontière avec l’Argentine ne nous impressionne guère. Mais, en attendant, un petit coucou au Licancabur qui va nous quitter.
Nous roulons dans des paysages d’une beauté sauvage incroyable. Si le paradis existe, il doit se cacher par là… Regardez donc.
Nous redescendons. Le passage de la frontière, au « Paso de Jama » n’est qu’à 4300 mètres. Un vent très violent ne nous pousse pas à quitter la voiture. Pourtant il le faut…
Une série de guichets à passer, pas bien compliqué. Ah oui ? Au premier, nous perdons une bonne heure. Christian ne parvient pas à retrouver la fiche d’entrée au Chili. Sueurs froides, mais tout se termine avec une engueulade « souriante ».
Les paysages argentins peuvent être aussi spectaculaires, mais ils sont entrecoupés de passages plus anodins. Il faut dire que l’air, si pur et transparent du côté chilien, est envahi des nuages de sable que le vent fait tourbillonner.
Mais les couleurs explosent à nouveau dès que nous parvenons à Purmamarca, à l’entrée de la Quebrada de Humahuaca. Un véritable arc-en-ciel que nous dégusterons pendant deux jours…
Le mirador d’Hornocal…
… et « El Cerro de siete colores ».
Cinq cent kilomètres nous séparent de Salta. Le temps de nous gaver les yeux de paysages superbes dans des espaces sans fin.
Au gré d’une descente, s’ouvre devant nous le miroir de Salinas Grandes, immense étendue de sel qui semble ne jamais se terminer. Beaucoup plus spectaculaire de loin que de près. J’aurais bien voulu conduire sur un désert de sel, mais je n’ai nullement envie de le faire en convoi touristique…
La petite déception est vite oubliée. Nous retrouvons la piste, la vraie. Notre voiture vit sa vie et de temps en temps s’en va sur ses chemins secrets. Il suffit de la ramener à l’ordre. Un trou plus vicieux que les autres, une dépression cachée… et des cris de protestation me parviennent de l’arrière. Quoi ? Il est bien connu que pour éviter la tôle ondulée, il faut rouler à 80 km/heure… même si le compteur semble s’emballer. Je m’amuse !
Afin qu’il cesse de m’avertir du prochain virage, je cède le volant à Christian. Quelques kilomètres pour s’habituer à une conduite dont il n’a pas l’habitude et c’est reparti ! Sophie et Christine n’ont rien gagné au change…
Une halte salutaire chez Moira et Pablo, un couple d’un charme et d’une élégance fous, doublés d’un sens de l’hospitalité exquis, nous remet vite d’aplomb. Nous sommes prêts à repartir.
El Parque Nacional de los Cardones et surtout les pistes qui le traversent nous plongent dans le souvenir de l’Ouest américain. Sculptures aux cent nuances d’ocre, façonnées par la pluie, le vent et le temps qui passe, immensités se dévoilant à chaque virage, lumières qui changent sans cesse. Un vrai décor de film western.
Mais nous avons pris du retard et il n’est pas question de s’arrêter trop souvent. Estancia Colomé et ses vignes nous attendent, même s’il est difficile de les imaginer dans un tel paysage.
Des chambres luxueuses, un bon repas, un bon vin. même une piscine. Une oasis au milieu du désert. Une escapade à la laguna del Bréalito, joli lac au bout d’une piste, encore une, et nous voilà à Cachi, village d’autrefois, porte d’entrée à une aventure dont je salive depuis longtemps : la montée à Abra del Acay, le point culminant de notre voyage, 4995 mètres, par une piste réputée difficile, parfois infranchissable.
Des minuscules hameaux nous montrent le chemin. Tout en conduisant d’une main sure, je me demande de quoi peuvent vivre leurs habitants… Puis des lacets et encore des lacets, quelques gués sans difficultés. Nous prenons de la hauteur sans presque nous en apercevoir.
Quoi que… Sophie, à l’arrière, doit avoir fermé les yeux. Je ne l’entends guère lorsque les roues de la voiture frôlent le précipice.
Le temps se gâte, il neige sur les sommets environnant. De quoi ajouter une touche supplémentaire à la beauté sauvage de cette piste. Je dois être le seul à espérer que la neige parviennent jusqu’à nous.
Malgré le froid, le vent et l’altitude, Christian est le seul à oser gravir la pente derrière elles pour atteindre les 5000 mètres. Il paye cher son courage. Je l’entends encore aujourd’hui haleter à côté de moi…
De la piste, encore de la piste, j’en voulais et je l’ai eue. Mais nous finissons pour rejoindre l’asphalte de la route pour le col de Jama. Notre périple dans le nord se termine. Ce soir, nous dormirons à San Pedro de Atacama et demain reprendrons l’avion pour Santiago.
Une petite halte à une trentaine de kilomètres de la frontière, juste le temps de grignoter quelque chose. Je fume une cigarette à l’extérieur quand Christian me rejoint.
« Le paso de Jama est fermé jusqu’à nouvel avis » me dit-il.
Elle est bonne la blague. Il pourrait au moins éviter de sourire. Mais c’est pourtant vrai !
Branle-bas de combat. Nous sommes à 350 kilomètres de Calama et notre avion décolle demain à 1600 heures.
Tout d’abord trouver où se loger. Pas évident, nous ne sommes pas les seuls à être bloqués ici. Nous finissons par trouver deux chambres dans un estaminet à Susques, à 3900 mètres d’altitude. Je ne pas m’empêcher de penser que j’ai renoncé à des itinéraires très tentant pour ne pas dormir si haut…
Puis, il s’agit de prendre une décision. Le Paso Sico, frontière à quelques dizaines de kilomètres est aussi fermé. Nous pourrions rouler jusqu’à Santiago et restituer le véhicule là-bas, en roulant jour et nuit. Plus de 2000 kilomètres en deux jours.
« C’est de la folie » s’exclame quelqu’un.
Ou alors passer par Tolar Grande, sur une piste qui traverse le désert à 3500 mètres d’altitude. Mais il nous faut un jerricane. Nous n’aurons pas assez d’essence pour arriver à Calama. Et certains craignent pour leur vie…
Des instants de tension qui s’apaisent dès que nous nous apercevons que le pneu arrière droit s’affaisse, victime d’une crevaison lente.
Il ne nous reste qu’à attendre et espérer dans notre bonne étoile. Qui ne nous a pas lâchés. Nous finirons par franchir la frontière le lendemain à 1400 heures. Notre avion partira sans nous, mais il y a un vol, le dernier, qui quitte Calama à 1900 heures…
Une course contre le temps. Et c’est vraiment dommage. La neige a transformé les paysages que nous avons déjà traversés en leur donnant une beauté indescriptible. Même pas en photo, nous n’avons pas le temps de nous arrêter !
Vous rappelez-vous du Licancabur ?
Nous finirons par gagner notre pari. L’aventure continue.